Infatigable homme de l’ombre de la pop française, Olivier Marguerit sort des rangs. Sous le nom de O, cet orfèvre publie un premier album en forme de best-of de lui-même. Rencontre.
« Ah, on est mercredi”, s’amuse Olivier Marguerit quand on pénètre dans sa cave du quartier parisien de Pigalle. Mercredi, c’est cours de danse au rez-de-chaussée de son immeuble. Et des dizaines de petits rats qui martèlent des pointes, ça fait beaucoup de bruit au sous-sol. Ça signifie que le mercredi, Olivier ou les artistes avec lesquels il collabore dans ce studio fait main ne peuvent donc pas enregistrer de prises de voix. Ça n’est pas bien grave. O, son nom épuré pour la scène, a entassé suffisamment de claviers de toutes les époques pour que les mercredis restent studieux, voire laborieux, besogneux.
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Le don? Un mythe
Car O ne croit pas plus au Père Noël qu’au mythe du don.
“Mon père, fan de musique, m’a mis à la guitare, à 6 ans. J’étais très mauvais. Du coup, j’ai arrêté entre 9 et 13 ans. Je m’y suis remis avec Nirvana. Et puis après le lycée, je me suis inscrit dans une école de jazz, un truc un peu à la Whiplash : l’American School of Modern Music. Sans doute pour rassurer mes parents… Mais je n’ai pas de don, juste un peu d’expérience.”
Consciencieusement, méticuleusement, O y apprend les orchestrations, dissèque les théories, les harmonies. Entouré de virtuoses, il est pourtant le seul à pratiquer dans la vraie vie son instrument, tournant déjà sans répit en tant que musicien de l’ombre, de ciment de jeunes groupes. Pour ce rôle humble, pour se remettre à la pop méprisée à l’école, il doit désapprendre certains tics. Mais il est certain que la simplicité requise passe par l’érudition. Et on se l’arrache, en particulier toute une scène réveillée, fédérée par nos opérations CQFD/InrocksLab, dont Syd Matters, My Girlfriend Is Better Than Yours ou Los Chicros. La première scène française depuis longtemps à ne rien devoir à Noir Désir.
“Grâce à la French Touch et à vous, Les Inrocks, toute une génération n’a plus eu honte de faire en France de la pop anglo-saxonne. J’étais suractif dans cette scène, car je suis malléable, je peux jouer de beaucoup d’instruments, j’apporte à la fois un bagage théorique et une vraie passion de la pop.”
Jonathan, le chef d’orchestre de Syd Matters, confirme :
“Olive est l’un des meilleurs musiciens que je connaisse, il sait jouer de tout, n’est jamais à court d’idées. Et puis c’est un homme assez exceptionnel, humble, très généreux.”
Aimer les zinzins
Chez O, le mot pop revient en mantra dans la conversation. Il en aime les génies périphériques, “les zinzins”, ceux capables de signer un tube impossible puis de revenir à leur marge, oscillant entre ombre et lumière : Todd Rundgren, Robert Wyatt, Sébastien Tellier ou Sufjan Stevens – avec lequel il vient de sillonner l’Europe, en accompagnement de Mina Tindle. Mais même s’il a longtemps préféré être celui qui fait la passe plutôt que celui qui marque le but sous les projecteurs, le songwriting a fini par le rattraper. C’est la naissance de sa fille qui a précipité l’envie d’un projet personnel, intime.
“Soudain, je ne voulais plus dépendre des emplois du temps et tournées des autres. Et puis je commençais à mieux comprendre l’écriture, après avoir eu la chance de travailler avec de vrais génies du songwriting, comme Fugu ou Jonathan de Syd Matters. Pour moi, la composition, c’est tout. Quelle que soit la production ensuite.”
C’est dans sa cave que cet hyperactif et control-freak a replongé avec patience au cœur des centaines d’ébauches de chansons qu’il trimbalait secrètement, sans frustration, depuis l’adolescence. Il en a finalement tiré un premier album au concept aquatique : Un torrent, la boue. Le véritable best-of d’une jeune vie de musique, chanté en français ou en anglais suivant le niveau d’intimité du texte. Il apprend d’abord seul à chanter, au centre, lui qui ne faisait que les chœurs, sur les bords.
“C’est arrivé tard pour moi, je n’avais notamment pas ce rapport au texte. J’avais peur de la poésie cryptique, à la Bashung… Je voulais me raconter, ne pas cacher sans être trop dans le quotidien.”
Il peaufine ensuite son songwriting, dense et malicieux, trouve l’équilibre entre ses compositions et arrangements baroques, barrés, et une vraie fluidité de séducteur pop. “J’aimerais être un esprit libre, m’autoriser tout”, promet-il en évoquant ses chansons taillées classique mais cousues excentriquement. Et ce n’est pas un vœu pieux : l’album sort régulièrement des canevas, des habitudes, joue l’épopée plutôt que de la pop.“Cet album, c’est la fin d’un cycle, il manque d’ampleur. Le début, ça sera le prochain.” Ça promet.
Concert le 29 mars à Paris (Maroquinerie)
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