Reprise d’un film mal aimé, petit chef-d’œuvre de mise en scène invisible et sophistiquée.
A Sydney, en 1831, le cousin du nouveau gouverneur anglais tente d’aider une jeune femme déséquilibrée, mariée à un ancien bagnard émancipé. Au sujet de ce très beau film, Jean Domarchi parla dans les Cahiers du cinéma de « chef-d’œuvre inconnu ». Il est vrai que Les Amants du Capricorne fut incompris au moment de sa sortie. Les raisons en sont simples : Hitchcock délaisse le « suspense » pour signer un mélodrame en costumes presque dénué d’action. Pour ce projet ambitieux et personnel, il conserve le principe de mise en scène qu’il avait adopté précédemment pour La Corde, mais en en lui donnant une signification plus subtile. Les Amants du Capricorne ne réitère pas le tour de force d’un film construit en un seul plan illusoire. L’utilisation systématique de plans-séquences fluides et complexes dépasse ici le stade expérimental pour s’intégrer dans une appréhension classique. C’est dans ce film qu’apparaît avec le plus de clarté ce souci d’art total qui mêle au théâtre (les longs monologues d’Ingrid Bergman) et à une caractérisation des personnages empruntée à la littérature romantique les techniques de l’écriture cinématographique, poussée à un haut niveau de sophistication. Ce film témoigne du génie d’un artiste qui voulait réaliser des films pour le plus grand nombre, et dont les échecs commerciaux (Vertigo) laissent davantage percevoir sa personnalité et son ambition.
Olivier Père