SHERIF FAIS-MOI PEUR, LE FILM
DE JAY CHANDRASEKHAR
avec Johnny Knoxville, Seann William Scott, Jessica Simpson, Willie Nelson, Burt Reynolds
Les affiches de Shérif, fais-moi peur, le film que vous voyez partout vous rappellent Jean-Claude Bourret, et c’est bien normal.
A la toute origine, Shérif fais-moi peur (on va dire SFMP pour aller plus vite) est une série que l’on diffusait en boucle sur feu La Cinq, entre K2000, Supercopter et Riptide (la vache ! l’époque était pas glop). Très honnêtement, SFMP n’a jamais été la meilleure série du monde, pas besoin d’être Martin Winckler pour le dire.
Ses héros, les Duke, une famille plouc et néo-sudiste coincée dans le comté de Hazzard, Géorgie, étaient principalement occupés à conduire leur bagnole (les cousins Bo et Luke Duke, au volant de « General Lee »), distiller de l’alcool en douce (Jessie Duke, dit « Oncle Jessie ») et montrer leur petit cul (Daisy Duke, jouée par Catherine Bach, et les draps s’en souviennent). Le tout sur de vieux airs au kilomètre de bluegrass, une musique plus du Kentucky que de Géorgie, en vérité, mais au fond c’est pas grave, c’est pas très loin.
Un peu comme le bluegrass, d’ailleurs, SFMP, la série, brodait sempiternellement sur les mêmes accords et les mêmes feintes, et c’est ça qu’on aimait : les scénarios, épais comme des sandwichs de chômeurs américains, n’étaient que de vieux prétextes pour montrer des bagarres de bars, des courses de caisses toujours les mêmes (à se demander si elles n’étaient pas recyclées d’un épisode à l’autre) et le mini-minishort en jean de Daisy Duke (non recyclable, lui).
Toute la réussite de SFMP, le film, est d’avoir su conserver cet esprit à la fois minimal et jouissif, là où le casting mi-MTV (Johnny Knoxville, Jessica Simpson et Seann William Scott le Stifler d’American Pie), mi-roots (y’a Willie Nelson, respect) et l’odeur de commande pouvait laisser craindre la plantade mais non. Pour son coup d’essai, le réalisateur inconnu Jay Chandrasekhar a réussi, en laissant l’intrigue au sixième plan, à faire de SFMP, le film un objet déconcertant et attachant où règnent la débilité profonde, le mauvais esprit (film déconseillé aux Asiatiques), les cascades molles et les poursuites automobiles (sacrément réussies les scènes de poursuite, et c’est un type qui n’a même pas le permis qui vous le dit).
On songerait presque au Dumb & Dumber des Farrelly la fragilité en moins, mais la gratuité des vannes et des coups portés en plus avec aussi un tout petit peu de Vanishing Point et même de Délivrance (Burt Reynolds est dans SFMP) qu’on passerait tous deux à l’envers après avoir fumé des cigarettes qui font rire. Le seul petit regret, c’est que Chandrasekhar n’ait pas souhaité utiliser un tout petit peu ses personnages à contre-emploi : Knoxville, Scott, Simpson et Nelson font respectivement le cascadeur, le mongol, la bonnasse et le vieux grigou. Mais que ça n’empêche pas de dire que SFMP est une comédie d’action très réussie, qui donne envie de faire « Yi ah ! » et, pourquoi pas, de passer son permis.
Pierre Siankowski
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