Angers, capitale de l’Anjou, terroir de la dynastie Plantagenêt et de Roselyne Bachelot, se fait le cadre chaque fin janvier d’un excellent festival dénicheur de jeunes cinéastes : Premiers plans. Le festival s’est choisi un président 2012 qui y travaillait comme bénévole voilà une vingtaine d’années, Christophe Honoré. A ses côtés, on visite l’attraction culturelle […]
Angers, capitale de l’Anjou, terroir de la dynastie Plantagenêt et de Roselyne Bachelot, se fait le cadre chaque fin janvier d’un excellent festival dénicheur de jeunes cinéastes : Premiers plans. Le festival s’est choisi un président 2012 qui y travaillait comme bénévole voilà une vingtaine d’années, Christophe Honoré.
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A ses côtés, on visite l’attraction culturelle majeure de la ville : la Tenture de l’Apocalypse, tapisserie médiévale datant de 1382, dont l’aura de chef-d’oeuvre du genre est telle qu’elle se trouve mentionnée jusque dans un épisode de Six Feet under. Et de fait, une fois confronté au gigantisme de la chose, brodée sur six mètres de haut par cent de long, on fait tout de suite moins le malin.
Passée l’introduction d’une conservatrice très enthousiaste, on chemine devant les insondables raffinements de ce qui évoque immédiatement à Honoré “une sorte de story-board” d’une adaptation médiévale des écrits de saint Jean, par exemple celle que projetait de tourner Pasolini. Avec la malice d’un cinéaste breton pas baptisé, qui confesse tout au plus une vague poussée mystique adolescente, il ajoute :
“Avec l’imagerie chrétienne, tu tends vite à trouver les démons plus sympas que les braves gens.”
Effectivement, La Chute de Babylone évoque ici surtout les maximonstres de Spike Jonze. Et devant le tableau dit de L’Adoration de la bête et sa drôle de créature à sept têtes, il note que “c’est un peu La Planète des singes version XIVe siècle”.
L’actualité de ces représentations eschatologiques n’en est que plus brûlante en cette fin janvier 2012, année au programme de laquelle figure au moins une fin du monde. Mais par-delà les prédictions des Mayas, si l’Apocalypse est si big ces temps-ci, c’est aussi abondamment par le biais du cinéma. Melancholia, The Tree of Life et Take Shelter faisaient leur miel de la fin des temps il y a peu, mais notre interlocuteur fait la moue :
“On voit bien ce que la représentation de l’Apocalypse entraîne d’un peu pompier dans ces films, en dépit du brio de leur mise en scène. C’est difficile d’être subtil avec un tel sujet. Je crois que je suis plus breton sur ces choses-là, pour moi l’Apocalypse s’est déjà jouée.”
On songe aussi que plusieurs de ses films font écho à cette tendance, de la disparition prématurée de l’héroïne des Chansons d’amour à la déchirure d’un couple consommée dès la première scène d’Homme au bain. Il acquiesce, on est content.
“C’est souvent un problème pour ma monteuse : il faut qu’une fiction s’achève pour que je puisse raconter quelque chose, la catastrophe a toujours déjà eu lieu au début. Pour plein de raisons qui me sont personnelles, je suis plutôt un cinéaste de ruines, de l’après. C’est notamment ce que je ressens fortement par rapport à l’irruption du sida dans l’histoire et son impact sur une génération qui a compté pour moi. Le manque absolu des gens qui m’ont donné envie d’être artiste – Guibert, Koltès, Demy, Daney. Les maîtres ont disparu avant que l’on ait pu accéder à quelque chose… Il y avait eu un contact entre les gens de la Nouvelle Vague et Renoir ou Rossellini. J’appartiens à un groupe générationnel pour lequel il y a eu un trou. C’était un peu le sujet des Biens-Aimés. L’Apocalypse est universelle, mais elle se joue aussi et surtout sur des choses très intimes.”
Julien Gester
DVD Les Bien-Aimés (France Télévisions)
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