Sur la mer ou dans le Far West, luxuriant ou ascétique, Gregory Peck ou Kirk Douglas : deux facettes du cinéma d’action galvanisant de Raoul Walsh.
LES FILMS : Capitaine sans peur et Une corde pour te pendre proposent deux formes d’héroïsme, aussi différentes qu’exemplaires, du cinéma de Raoul Walsh. Dans le premier, un film d’aventures maritimes, la splendeur du Technicolor, l’opulence des décors, la démultiplication sans cesse renouvelée des péripéties, la souplesse du récit, la caractérisation volontairement univoque des personnages façonnent un héroïsme d’une grande noblesse dont les missions, perpétuellement couronnées de succès, témoignent de l’ordonnance d’un monde où désirs et mises en œuvre s’accordent naturellement. La qualité quasi picturale de cet héroïsme prend des atours oniriques portés à leur comble, version édénique et version ténébreuse, dans Les Aventures du capitaine Wyatt et Aventures en Birmanie. Gregory Peck, acteur à la beauté époustouflante mais au jeu limité, apporte une précieuse netteté physique à cet héroïsme réglé à la mesure d’une clarté sans partage. Walsh lisait en cachette Le Rouge et le Noir sur le tournage, et le délié aristocratique du récit stendhalien se retrouve dans l’histoire d’amour qui ne trouve sa résolution qu’à long terme. Dans Une corde pour te pendre, un western, le minimalisme de l’intrigue, la pauvreté des décors, la sécheresse de la dramaturgie, le noir et le blanc inventent un héroïsme radicalement différent, guidé par une dureté pragmatique où l’absence de sentiments est proportionnelle au sérieux fonctionnel de la mission à accomplir. Kirk Douglas, acteur sans charme et à ce titre peu walshien, apporte une brutalité désagréable au film. Si on peut regretter la postérité post-années 60 des “westerns minéraux à héros complaisamment cyniques” (Clint, retourne-toi), alors même que la veine fabuleuse du genre s’est tarie très vite, la faute n’en revient pas à Walsh, dont l’esprit hautain se garde de toute mythologie facile. Virginia Mayo, actrice au physique ingrat (elle souffrait d’un strabisme qui donnait des migraines aux chefs opérateurs) mais dont Walsh appréciait la sensualité teigneuse, est l’héroïne tour à tour roturière et noble de ces deux films. Qu’ils aient été réalisés à seulement quelques mois d’intervalle démontre la richesse d’inspiration de Walsh, que les sept films avec Errol Flyn consacreront comme le plus passionnant inventeur de héros du cinéma hollywoodien classique.
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