Sur un album comme une fête à la maison, le saxophoniste réinvente le blues et les mélanges créoles. La suite bientôt sur scène, au festival Sons d’hiver.
Raphaël Imbert joue du saxophone. Mais il est aussi chercheur, collecteur d’airs et de rythmes populaires, et auteur de nombreux articles scientifiques. Théorie et pratique sont inséparables : la réflexion et l’étude nourrissent la musique qui, à son tour, les enrichit. D’où un parcours multiple, vagabond, ouvert à toutes les rencontres (avec des musiciens contemporains comme avec les œuvres d’Ellington, Coltrane, Bach, Théodore Monod et Amadou Hampâté Bâ).
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Le dernier jalon s’intitule Music Is My Home. Attaché à souligner le fond spirituel qui lie les communautés musicales entre elles (en témoigne son ouvrage Jazz suprême – Initiés, mystiques & prophètes), Imbert a passé plusieurs années à arpenter le Deep South américain, et plus particulièrement les rues de La Nouvelle-Orléans, où les cloisonnements culturels, cultuels, musicaux et même “raciaux” (au sens où on l’entend aux Etats-Unis), pour être nettement dessinés, sont toujours susceptibles de s’évanouir dès qu’une mélodie retentit.
“C’est la ville rabelaisienne par excellence, s’enthousiasme le saxophoniste. Grâce à l’esprit du carnaval, au vaudou, à la créolité, elle est aussi organisée socialement que foutraque dans ses manifestations. J’ai vu les mêmes musiciens jouer le matin sur un bateau à aube, défiler l’après-midi avec un brass band pour une loge maçonnique ou des funérailles, et se lancer le soir dans des expérimentations électroniques.”
Un carnet de voyage personnel
Music Is My Home ressemble ainsi à un carnet de voyage personnel dans cette ville-chaudron où tous les styles populaires américains ont mijoté avant de se retrouver mêlés avec autant de science, de spontanéité et de chaleur humaine qu’il faut à la préparation d’un savoureux gombo. Joyeuse ou recueillie, chantée en créole ou exultée dans les trilles d’un soprano, glissant sur un dobro, raclée sur un banjo, cette musique est d’abord une expérience de partage et de compagnonnage, notamment avec quelques figures du cru hautes en couleur, comme les bluesmen Big Ron Hunter et Alabama Slim, ou la chanteuse de folk Leyla McCalla. Projet très collectif, l’album a été enregistré entre la Provence, où Raphaël Imbert réside, et la Louisiane.
“Music Is My Home est un projet sur l’hospitalité musicale, qui parle autant de ma maison, familiale ou musicale, que des racines supposées de la musique américaine. A La Nouvelle-Orléans, si tu rentres dans un club un sax à la main, même si personne ne te connaît, il faudra que tu joues. C’est la dernière ville aux Etats-Unis où tu peux apprendre dans la rue, auprès des plus grands, et pour zéro dollar. Le lendemain de mon arrivée, je me baladais dans Frenchmen Street quand j’ai vu passer Allen Toussaint au volant de sa Cadillac rose, avec un nœud pap énorme et un pantalon vert. Rien que ça, c’était déjà un apprentissage !”
Finalement, l’idée que le musicien donne de cette ville convient parfaitement à son album : “Pour avoir du bon temps ou pour avoir une expérience mystique, La Nouvelle-Orléans est la meilleure ville du monde.”
Concert le 20 février à Créteil, avec Naomi Shelton et The Hypnotic Brass Ensemble (festival Sons d’hiver)
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