La traversée de l’Atlantique vers le Nouveau Monde par une famille d’immigrés siciliens. Un sujet fort édulcoré par une imagerie onirique de pacotille.
Le courant onirique qui traversait par vagues la réalité insulaire de Respiro et l’éclaboussait de quelques embruns fantastico-mythiques déjà sans éclats semble avoir désormais pris le dessus dans le cinéma d’Emanuele Crialese. Ouvertement fantasmagorique, Golden Door nous plonge encore une fois dans une Sicile coupée du monde, enfermée dans ses croyances et coutumes, qui cherche désespérément à sortir d’elle-même. Nous sommes au début du XXe siècle et la soif d’un ailleurs prospère, loin de la pauvreté ambiante, est celle, avide, désespérée, qui conduit tout droit aux délires hallucinatoires. Plantés sur le sol sec et caillouteux de leur terre natale, quelques paysans ignorants et superstitieux attendent un signe du destin qui leur ouvrira les portes du Nouveau Monde. Dans ce décor quasi beckettien, les mirages vont bon train, inspirés des montages photographiques trompeurs des cartes postales américaines destinées à appâter, avec des légumes gigantesques, les émigrants naïfs. Appréhender le rêve américain à sa source européenne et l’accompagner dans son double mouvement d’échappée, réel et fantasmé, constitue en soi un beau sujet de cinéma. Souvent traité en termes de conquête, le territoire américain et ses mille et une promesses de deuxième chance restent ici un horizon lointain, hors champ. Crialese lui préfère la trajectoire suivie par ces émigrants entre l’Europe et l’Amérique, ce temps suspendu où se cristalliseront tous les espoirs. Hélas, à aucun moment le flottement surexposé par le film n’est synonyme de tension, car il semble partir de nulle part et n’aller dans aucune direction : la Sicile et ceux qui la quittent n’existent pas tant le réalisateur prend soin de les rattacher à des détails anecdotiques dont l’enveloppe fantaisiste cache mal une certaine complaisance dans une imagerie pittoresque plus décorative qu’autre chose. A l’image de la photo de Salvatore et de sa famille, prise avant leur départ dans un faux décor, le film se fige instantanément, et jusqu’à sa fin, dans un réalisme artificiel et poseur, aux divagations oniriques platement illustratives, ennuyeuses au possible. On ne sait finalement que peu de chose des personnages, de ce qui se joue intimement pour eux dans ce départ ; ce qui aurait pu passer si le film avait suivi une certaine rigueur documentaire, mais ici nous ne sommes que maintenus à la surface de cette traversée.
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