Deux des belles surprises de l’année passent ensemble la semaine prochaine au Point Ephémère : l’occasion, avec ses yeux oreilles, des clips et des morceaux, de redécouvrir ces groupes fous et lumineux.
Le 14 novembre au soir sera une belle date pour le soleil, qui devrait connaître un regain d’activité et quelques jolis éruptions : deux des petits trésors découverts ou redécouverts cette année, les Dodos et les Ruby Suns, joueront ensemble sur la scène du Point Ephémère parisien. Les déçus du sold-out ou presque Festival des Inrocks iDTGV savent donc ce qu’il leur reste à faire.
Hop, on ressort du placard à miracle les deux articles consacrés aux groupes, avec plein de musique et de clips dedans.
The Dodos
[attachment id=298]Les affreux bûchers de Salem n’ont donc, finalement, pas définitivement eu raison de la sorcellerie nord-américaine. Animal Collective, MGMT, Born Ruffians, désormais les deux Californiens de The Dodos : des groupes sorciers mais des groupes modernes, qui refont du neuf avec du séculaire, les pieds enracinés dans les poussières éternelles mais l’horizon portant loin vers le futur.
De tous ceux-là, les San-Franciscains The Dodos, signés par l’excellent label Wichita après un passage plus que remarqué au festival South By South West, sont peut-être les plus frappants, et peut-être pas loin d’être les plus géniaux.
Car leur nouvel album Visiter est une perfection. La définition même de l’équilibre. Un folk sorcier et effrayant, mais également une pop d’Halloween -grimée, joueuse et rigolarde. Pour les petits et les grands, pour la masse et pour les nerds : à la fois, dans le même objet et dans un même souffle incroyable de bout en bout, la puissance grandiose et épique d’Arcade Fire et les torsions dingos que chez Animal Collective.
Les Dodos et leur premier album Visiter est à découvrir ici avec trois morceaux en écoute et un clip -si vous les appréciez, sachez que l’album dans son intégralité est au niveau de ces quelques exemples.
The Ruby Suns
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Dans Sea Lion, le deuxième album des néo-zélandais Ruby Suns, y a du soleil, y a des nanas. Y a surtout Ryan McPhun, le doux leader du groupe, que nous avons eu l’occasion de rencontrer au festival SXSW d’Austin, dans une ambiance très Ruby Suns : sous le soleil exactement, avant d’aller se baigner dans une source à l’extérieur de la ville.
Ultra pop, réjouissant et joliment complexe, comme un Animal Collective sous les alizées, Sea Lion est, sans aucun doute, le plus bel antidépresseur du printemps : à découvrir en musique (Oh! Mohave et Kenya Dig It?), en clip (l’exceptionnel Tane Mahuta) et, enfin, en interview.
Kenya Dig It?
Tane Mahuta
[attachment id=298]Sur scène, vous êtes seulement trois avec beaucoup de sons programmés. Comment s’organise exactement le line up des Ruby Suns ?
Ryan McPhun : Globalement, j’ai fait l’album tout seul. Je l’ai enregistré dans ma chambre, sur mon petit ordinateur. Parfois je suis parti d’une idée enregistrée sur mon dictaphone, et j’ai ajouté des arrangements. L’album, c’est surtout moi, avec quelques amis qui ont fait ce que je ne sais pas faire : la flûte, les cuivres, la contrebasse.
Quels sont tes premiers souvenirs de musique ?
Quand j’avais six-sept ans, j’ai eu pour Noël un magnéto cassette, et deux cassettes : Thriller de Michael Jackson et Sergeant Pepper des Beatles. Pas mal… J’étais obsédé par ces deux disques. Puis à 12 ans, j’ai commencé à jouer de la batterie, j’adorais Nirvana. J’ai commencé la guitare l’année suivante. J’ai joué dans un groupe de lycée, on faisait des reprises. Mais je n’ai pas vraiment joué dans un groupe sérieux, qui fait des concerts et tout ça. Je me suis vraiment mis à la musique après m’être installé en Nouvelle-Zélande.
Tu es né aux USA, comment t’es-tu retrouvé à vivre en Nouvelle-Zélande ?
J’ai grandi en Californie, sur la côte, à une heure au nord de Los Angeles. Un endroit sympa. Mon père est néo-zélandais, ma mère est américaine, j’ai la double nationalité. J’ai toujours eu la possibilité de vivre et de travailler en Nouvelle-Zélande. La moitié de ma famille vit là-bas. Mais la raison principale de mon départ, c’est que je sortais avec une néo-zélandaise. Je m’y suis installé en 2002, j’avais vingt ans. Quand je suis parti, je ne savais pas si c’était pour du long terme. Je voulais juste essayer autre chose. Pas grand-chose ne me retenait aux Etats-Unis. J’étais étudiant à Los Angeles, mais ça ne plaisait pas vraiment.
Connaissais-tu l’histoire du rock néo-zélandais ?
J’aimais The Clean, je connaissais quelques chansons des Chills, mais je n’ai jamais été un spécialiste ou un fan de cette scène. Il se passe énormément de choses en ce moment dans la scène néo-zélandaise. Cette scène Flying Nun, c’est le passé. Je trouve que les Tokey Tones sont bien meilleurs que tous les groupes Flying Nun, le seul problème c’est que personne ne connaît les Tokey Tones. Le leader du groupe a un boulot à un plein temps, il ne peuvent pas faire de tournées en dehors de la Nouvelle-Zélande. Quand j’ai déménagé à Auckland, je me suis intéressé à la scène locale, j’ai joué dans deux groupes, les Tokey Tones et les Brunettes, j’ai joué de la batterie dans le premier, et de la guitare et des claviers dans l’autre. J’adorais ces groupes, je suis allé les voir pour leur proposer mes services, et les deux cherchaient quelqu’un… C’est vraiment grâce à eux que je m’y suis mis.
L’album Sea Lion semble très influencé par la nature…
Cette nature qu’on entend dans ma musique, ça vient de mes escapades, des mes voyages, de ce que je fais de mes vacances. En fait, je suis rarement en vacances. Je n’ai pas d’argent, pas vraiment de travail. Mais pour moi, les vacances, c’est 40 dollars pour acheter de l’essence et partir en camping. J’adore conduire à la découverte de la Nouvelle-Zélande. Et en 2006, je suis parti pour un long voyage en Australie, au Kenya et en Thaïlande. En général je pars seul et je tiens un journal de voyage, j’écris beaucoup. Je pars sans instrument de musique, mais avec un dictaphone dans lequel j’enregistre mes idées de chansons. Et j’enregistre beaucoup de choses, des gens qui chantent, des bruits étranges, des cris d’animaux. Au Kenya, les animaux font des cris surprenants, surtout les oiseaux.
Il y a aussi une grande influence de musique polynésienne dans cet album.
Oui, ça vient de beaucoup de sources. A Auckland, il y a une incroyable radio spécialisée dans la musique polynésienne. Je serais incapable de citer les noms de musiciens ou de chansons que j’y ai entendus, mais j’adore écouter cette radio, par exemple au moment de dîner. Ça a fait son chemin en moi. Et puis j’ai des goûts très variés, j’adore par exemple le brésilien Tom Zé, ce qu’il faisait dans les années 70, le mouvement tropicalia. Et il y a des nouveaux groupes qui se rapprochent de ces trucs polyrythmiques, comme Animal Collective ou l’espagnol El Guincho, qui est très bon.
Les Beach sont une autre grande influence des Ruby Suns.
J’ai découvert les Beach Boys grâce à mon père, qui les adorait. Le premier disque que j’ai entendu, c’était Pet Sounds, j’étais ado. J’ai bien aimé, mais à l’époque j’étais dans des trucs plus rock. Plus tard, en Nouvelle-Zélande, je suis devenu fan des chansons, des mélodies, du chant en falsetto. C’est dur à décrire, mais ce groupe est évidemment très important pour moi.
Ce deuxième album des Ruby Suns sonne plus libre, ouvert que le premier. Comment as-tu trouvé cette liberté ?
J’ai découvert en faisant ce deuxième album que je suis plus créatif quand je voyage, quand je suis en vacances, loin de chez moi et des obligations du quotidien. Quand je suis relax, quand ma seule préoccupation est d’apprécier le moment. Quand je suis loin d’Auckland, pour résumer. Et puis mon objectif principal pour cet album, c’était justement de faire en sorte qu’il ne ressemble pas au premier. A chaque fois que je trouvais un son qui ne me rappelait pas le premier album, je le gardais. Je ne savais pas où j’allais, mais je savais que je voulais faire autre chose. C’est comme ça que j’ai abordé le disque. Ce n’est pas que je n’aime pas le premier album, mais j’étais très jeune quand je l’ai fait, super naïf. J’ai évolué depuis. En faisant le deuxième album, je ne me sentais plus aucune affinité avec le premier, comme si c’était l’œuvre de quelqu’un d’autre.