Dans ce film qui va le consacrer comme auteur, Antonioni réécrit une romance digne de la collection Harlequin avec la gravité d’une tragédie grecque.
L’AVVENTURA
de Michelangelo Antonioni, avec Léa Massari, Monica Vitti, Gabriele Ferzetti (1960, It., 135 mn)
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C’est le petit matin. Le soleil se lève. Sur un banc, un homme en costume noir pleure. Derrière lui, une femme vêtue de noir (Monica Vitti) hésite longuement avant de lui poser la main sur la tête. Et elle ferme les yeux. Fine. Cette dernière séquence de L’Avventura, anthologique, illustre plastiquement le thème de l’incommunicabilité dans le cinéma d’Antonioni. Parti pris de dédramatisation, longs plans-séquences, rythme libre : Antonioni exalte des impressions de silence, de solitude et de lenteur. Le réalisateur part pourtant d’un scénario digne d’un roman de gare. Un séducteur peu scrupuleux profite de la disparition de sa fiancée pour séduire sa copine blonde et pulpeuse (Monica Vitti). Antonioni va traiter son sujet à la manière d’une tragédie grecque. Pour lui, posséder c’est détruire ; il ne saurait donc y avoir de bonheur possible dans le désir. A l’instar de Bergman déjà, ou de Tarkovski plus tard, le réalisateur assume ici de manière éclatante la nécessité d’inventer un style singulier pour traduire son regard personnel sur le monde. Lors de sa projection au Festival de Cannes en 1960, le film est hué. Trop d’audaces formelles, mais aussi trop de femmes dévergondées. Après une projection perturbée par des invectives ordurières, le jury que préside Georges Simenon attribue in extremis au film, sous la pression de professionnels éclairés comme Roberto Rossellini ou Anatole Dauman, un prix « pour sa contribution remarquable à la recherche d’un nouveau langage cinématographique ». A ce titre, L’Avventura marque un tournant décisif dans la reconnaissance du cinéma dit d’auteur.
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