INNOCENCEPremier long métrage, très tordu et très cadré à la fois, sur la vie d’un pensionnat irréel peuplé de virginales fillettes, jouets d’une horreur qui reste virtuelle.Première bonne nouvelle : Lucile Hadzihalilovic s’est détachée de l’influence de Gaspar Noé, qui pesait lourdement sur son moyen métrage La Bouche de Jean-Pierre. Deuxième bonne nouvelle : ce […]
INNOCENCE
Premier long métrage, très tordu et très cadré à la fois, sur la vie d’un pensionnat irréel peuplé de virginales fillettes, jouets d’une horreur qui reste virtuelle.Première bonne nouvelle : Lucile Hadzihalilovic s’est détachée de l’influence de Gaspar Noé, qui pesait lourdement sur son moyen métrage La Bouche de Jean-Pierre. Deuxième bonne nouvelle : ce film biscornu nous prend constamment à contre-pied, au risque de nous ennuyer considérablement, ce qui n’est pas forcément un défaut. Pourquoi ennuyer ? Parce que nous, sadiques par procuration, n’en avons pas pour notre argent en matière d’horreurs attendues. Des fillettes sont élevées dans un pensionnat hors du monde et du temps, dans une ambiance irréelle et passéiste (années 50-60). D’où viennent ces enfants, qui sont ces adultes qui les élèvent strictement sans rien sembler leur inculquer de concret hormis la danse ? On croit s’acheminer vers une histoire de ballets roses : des petites filles seraient enlevées et éduquées pour exciter les sens de quelques spectateurs privilégiés, qui les consommeraient ensuite sexuellement. Il n’en est rien. &Certes, le spectre de la pédophilie moins concret que dans La Bouche de Jean-Pierre se profile derrière cette histoire onirique inspirée d’une nouvelle de Wedekind (l’auteur de Loulou). Mais, en fait, c’est plus une pédophilie graphique à la Balthus qu’autre chose : faire faire de jolies choses à de jolies enfants, sans plus. Tout est implicite. Malgré un climat légèrement « dario-argentien » (période Suspiria), rien ne se concrétise. On est dans un entre-deux suggestif et esthétisant proche des photos angoissantes de Bernard Faucon qui mêlait des enfants et des mannequins. Les petites filles, cadrées avec maniaquerie, filmées dans des décors rétros impeccablement reconstitués, vêtues de jupettes blanches, jouent au cerceau ou à saute-mouton. Bien sûr, la mort n’est pas absente du récit, mais ce dernier reste opaque, réduit à des allusions, des sous-entendus, des symboles (voir le très obscène jaillissement final d’un jet d’eau). Innocence est un objet glacial qui constitue une proposition de cinéma très particulière, une espèce de Salo (Pasolini) revu et corrigé par la Bibliothèque rose. Certainement le plus rigoureux et extrémiste, au sens formel, des films de pensionnats vus récemment (de La Mauvaise Education aux Choristes, de Saint-Ange aux Fautes d’orthographe), qui résonnent comme d’inquiétants appels à la discipline dans un monde décadré.
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