Les déambulations dépouillées d’un tueur haineux dans le décor tentaculaire d’un New York hivernal. Redécouverte miraculeuse d’un chaînon manquant du film noir.Pour simplifier, on pourrait présenter ce joyau inconnu du film noir datant de 1961, intitulé The Blast of Silence en version originale, comme une synthèse réussie de Shadows de Cassavetes et En quatrième vitesse […]
Les déambulations dépouillées d’un tueur haineux dans le décor tentaculaire d’un New York hivernal. Redécouverte miraculeuse d’un chaînon manquant du film noir.
Pour simplifier, on pourrait présenter ce joyau inconnu du film noir datant de 1961, intitulé The Blast of Silence en version originale, comme une synthèse réussie de Shadows de Cassavetes et En quatrième vitesse d’Aldrich. Shadows pour l’atmosphère new-yorkaise, l’inscription harmonieuse des personnages dans les vastes entrelacs urbains, et En quatrième vitesse pour la hargne, le nihilisme du polar.Ce film dépouillé, linéaire, fut écrit, mis en scène et interprété par le mystérieux Allen Baron, moins connu pour ses quatre longs métrages – si indépendants qu’ils ont très vite disparu des écrans radar –
que comme réalisateur de célèbres séries télé des années 70 et 80, allant
de La croisière s’amuse à Drôles de dames. Sur le papier, l’intrigue est simple : un tueur, Frankie Bono, débarque à New York en pleine période de No l pour exécuter un vague sous-fifre de la Mafia. Mais celui-ci est parti en vacances. En attendant son retour, Bono tue le temps en renouant avec un ami d’enfance, en assistant à une soirée festive et en flirtant (brutalement) avec une connaissance. L’intérêt du film n’étant pas tant son intrigue, inexorable, que les entre-deux, les déambulations gratuites, les moments où l’immersion du héros dans le décor le transforme en simple épiphénomène du paysage new-yorkais hivernal. C’est là où le film est très fort, plus expressif que son récit ou que son personnage principal (qui est malgré tout un concentré de haine, comme en témoigne l’incessante voix off, sommet de misanthropie). En dehors de quelques scènes de genre en intérieur, qui n’ont pas l’originalité
de l’ensemble (la soirée entre amis et la rencontre dans le club de jazz), le film, qui frôle l’amateurisme dans ce qu’il a de meilleur, reste sauvage de bout en bout. Le personnage et le décor, symbiotiques, sont des blocs d’indifférence, voire d’hostilité. La séquence du meurtre du bestial magouilleur, qui élève des rats, est d’une frontalité implacable ; quant à la scène finale, tournée lors d’un ouragan, dans la boue, sur un quai perdu de Staten Island, elle allie la violence des éléments à l’indifférence du destin. Aucune rédemption, aucune épiphanie, juste la déchéance et la chute dans un trou sans fond. Baby Boy Frankie, c’est la quintessence du film noir dans ce qu’il a de plus nu et autodestructeur. Un fascinant traité d’antiséduction.
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