Comment John Ford et James Stewart ont inventé un mode de récit décontracté.
Il y a deux périodes dans la carrière westernienne de James Stewart. Ou plutôt trois, car il ne faut pas oublier l’époque où personne n’imaginait qu’un jour il puisse se salir les mains pour interpréter un cow-boy, lui, le gendre idéal de l’Amérique, le grand escogriffe naïf des films de Capra. Puis les années 50 sont arrivées, et avec elles Anthony Mann, qui dirigea James Stewart et sa voix éraillée dans cinq westerns parfaits. Ensemble, ils inventèrent un héros inédit, reprenant la douceur inhérente à l’acteur, mais lui injectant une bonne dose de doute et de violence. Contre toute attente, James Stewart devenait la figure jamais égalée du cowboy masochiste, celui qui tue et pleure en même temps. Vinrent les années 60 et tout changea. C’était l’heure des bilans et des relectures, James Stewart arrivait chez John Ford, qui se désintéressait alors cruellement de John Wayne. Ford reprenait à dessein le cowboy modernisé des films de Mann pour débuter sa démythification en règle du western et de ses codes. C’est on ne peut plus clair dans Les Deux Cavaliers, où Stewart joue un shérif vénal et cynique, un Wyatt Earp qui aurait mal vieilli, expliquant à des parents inquiets qu’ils devraient considérer comme morts leurs enfants enlevés par les Indiens. La Prisonnière du désert est déjà loin. Jouant à choquer l’honnête Richard Widmark, Stewart l’entraîne dans une discussion au bord de l’eau, dans un plan séquence très « cinéma-vérité ». Où l’on réalise que ce qu’on avait pu prendre pour de la paresse dans Les Cavaliers était, en réalité, un art de la décontraction parfaitement maîtrisé. Le vieux cinéaste borgne et l’acteur bègue avaient gagné.
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