Malgré une compétition un peu falote, le festival de Nantes 2002 a salué deux cinéastes majeurs du Kirghizistan. Passer quelques jours d’automne à Nantes est un plaisir gourmand, tant par l’opportunité de découvrir des films venus d’horizons rares et lointains que par celle, plus secrète, de flâner, du passage Pommeraye au cinéma Katorza, sur les […]
Malgré une compétition un peu falote, le festival de Nantes 2002 a salué deux cinéastes majeurs du Kirghizistan.
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Passer quelques jours d’automne à Nantes est un plaisir gourmand, tant par l’opportunité de découvrir des films venus d’horizons rares et lointains que par celle, plus secrète, de flâner, du passage Pommeraye au cinéma Katorza, sur les traces de Demy l’enchanteur…
Mais tout ce qui passe à Nantes n’est pas d’or : en guise de pièce à conviction idoine, Tan de repente de Diego Lerman, qui serait plutôt tout entier de ce plomb dont on fait les grands sommeils. Pour dégoter un film argentin digne de ce nom, mieux valait partir en direction du passé, vers Bâton et Os (1968), drame qui frappe sec avant d’entrer dans la mémoire du spectateur, gagné par l’évidence que Nicolas Sarquis a su bâtir, à coups de plans nets et abrupts, un univers dont l’insistante âcreté n’est pas sans évoquer Terre sans pain ou Los Olvidados de Luis Buñuel.
Le passé étant une aventure sans cesse recommencée, poursuivons-la en nous immisçant en plein cœur de l’Asie centrale, plus précisément au Kirghizistan, à la faveur de l’intégrale des œuvres de fiction de Tolomouch Okeev. L’hommage qu’Alain et Philippe Jalladeau ont tenu à lui rendre, suite à sa mort récente, n’a rien de la simple révérence posthume de circonstance : au contraire, Okeev était un cinéaste de premier ordre que seule l’inflexible mainmise soviétique empêcha d’accéder à une reconnaissance internationale synchrone.
Furent notamment projetés Le Ciel de notre enfance (1967), chronique des mœurs qui changent et du temps qui fuit, où l’émotion naît d’une vive combinaison de rigueur et de sensibilité, Incline-toi devant le feu (1972), éclatant portrait de femme aux vibrantes inflexions lyriques doublé d’une fresque historique en rupture violente avec toute pompe officielle, Oulan (1977) et Automne doré (1980), deux films en prise directe sur la société contemporaine, proches de certains Fassbinder de l’époque, dont la dynamique distinctement satirique n’a pas dû plaire à tout le monde… Les autoportraits dessinés en filigrane dans ces deux derniers films les rendent encore plus touchants tant Okeev y apparaît, sans complaisance aucune, pareil à ses personnages masculins principaux, qui traquent leur salut, réel ou illusoire, dans l’amour ou dans la vodka.
Cinéphiles de tout pays, réjouissez-vous : le cinéma kirghize n’a pas trépassé avec Tolomouch Okeev. C’est par Mon frère, la route de la soie, le splendide premier long métrage de Marat Sarulu, auquel un jury des plus finauds a décerné la Montgolfière d’or 2002, que cette heureuse nouvelle est arrivée à Nantes. A l’instar de son protagoniste central, un peintre vagabond, émule de Chagall, qui rêve et dessine chemin faisant, Marat Sarulu aspire à communiquer au monde la ferveur de ses désirs et, inondant l’écran d’une poésie tumultueuse, signe un de ces « films à la hauteur de nos tourments » dont Robert Desnos appela jadis l’émergence.
En deçà de ce scintillant joyau, L’Examen de l’Iranien Nasser Refaie et La Pleureuse du Chinois Liu Bingjian méritent d’être mentionnés : le premier, en dépit de quelques passages un peu trop démonstratifs, pour sa faconde et son alacrité (L’Examen est sans doute le film iranien contemporain le plus bavard et le plus drôle), le second pour sa liberté de ton, sa mise en scène incisive et Liao Qin, son épatante actrice principale.
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