Désert affectif > Western à la fois global et unique, La Prisonnière du désert est un monument dans un autre, presque entièrement circonscrit par le minéral et grandiloquent Monument Valley.Nous sommes en 1956. Ford fait des westerns depuis une quarantaine d’années, encore dix ans à peine et tout sera fini. Comme s’il le savait, le […]
Désert affectif > Western à la fois global et unique, La Prisonnière du désert est un monument dans un autre, presque entièrement circonscrit par le minéral et grandiloquent Monument Valley.Nous sommes en 1956. Ford fait des westerns depuis une quarantaine d’années, encore dix ans à peine et tout sera fini.
Comme s’il le savait, le vieux renard borgne fait de La Prisonnière
du désert un bilan autant qu’une ouverture sur autre chose, comme en témoigne l’ouverture, justement, du film, majestueuse, inoubliable. Dans le noir, une porte s’ouvre sur Monument Valley, site arpenté par John Ford sept films durant avant de devenir l’image publicitaire ultime de l’espace américain. Une femme s’avance sur le perron, son tablier flotte au vent, elle est fordienne en diable. Un cavalier sort du désert et s’avance vers elle : c’est John Wayne. La mythologie est à son comble. Et pourtant. Ce héros sera l’un des plus opaques, des plus ambigus que le cinéma de John Ford ait créé.
Il revient de la guerre de Sécession, pourtant finie depuis plusieurs années. Qu’a-t-il fait tout ce temps ? Cet « angle mort » qui précède le film contamine tout du long le personnage et sa recherche obsessionnelle, haineuse et immémoriale d’une petite nièce enlevée par les Indiens.
Expérience presque proustienne du passage du temps, La Prisonnière… voit succéder les neiges aux déserts, dans une durée étirée et aussi incertaine que ce souvenir d’un amour que l’on devine enfoui depuis longtemps. C’est d’ailleurs le « souvenir » d’un geste qui sauve tout, lorsque Wayne porte à bout de bras celle qu’il avait quittée enfant et blanche, et qu’il retrouve femme et indienne. Dans un souffle, son rictus de haine se transforme en un tendre et légendaire « Let’s go home, Debbie ». Wayne, magnifique, peut s’en retourner au désert, et les westerns de Ford ne seront plus jamais pareils.