Sous le vernis hollywoodien, un chef-d’œuvre tourmenté.
Un couple d’Américains bien tranquille et leur jeune fils visitent Marrakech. Ils vont bientôt être mêlés à une ténébreuse affaire d’attentat. Comme tous les grands films américains du cinéaste, L’Homme qui en savait trop remake d’un film homonyme d’Hitchcock réalisé en Grande-Bretagne en 1934 dissimule, sous son vernis de parfaite mécanique à suspens, une œuvre inquiète et tourmentée, une interrogation sur le mal et la culpabilité. Cette dichotomie se ressent particulièrement dans ce film qui commence comme un aimable divertissement familial pour se transformer en tragédie. Hitchcock a réuni un couple qui exprime à la perfection ce sentiment de confort vite bouleversé. Aux côtés d’un James Stewart évidemment génial, Hitchcock a choisi Doris Day, prototype de la vedette populaire, qui contraste, malgré sa blondeur, avec les beautés habituellement filmées et désirées par le cinéaste. Cette femme à la limite du ridicule va connaître la grâce lors de l’épreuve douloureuse que lui inflige le film. D’abord écartée du récit par son mari, elle interviendra de façon décisive à deux reprises, grâce à sa voix (d’abord un cri, puis une chansonnette), pour enfin retrouver son enfant. Cette quête devient le symbole de sa propre renaissance. L’Homme qui en savait trop, c’est donc peut-être, avant tout, le film de Doris Day.
Olivier Père