Dans la France d’avant-guerre, un riche comte organise dans son immense château de Sologne une partie de chasse, où les chassés-croisés amoureux des domestiques reflètent ceux des maîtres.Il n’est pas étonnant que La Règle du jeu, chef-d’œuvre absolu, soit aujourd’hui encore un film matrice à la descendance nombreuse (dont le plus récent rejeton est le […]
Dans la France d’avant-guerre, un riche comte organise dans son immense château de Sologne une partie de chasse, où les chassés-croisés amoureux des domestiques reflètent ceux des maîtres.
Il n’est pas étonnant que La Règle du jeu, chef-d’œuvre absolu, soit aujourd’hui encore un film matrice à la descendance nombreuse (dont le plus récent rejeton est le Gosford Park d’Altman). Consciemment ou non, Renoir crée des personnages modernes, reflets des doutes de leur metteur en scène davantage que de sa volonté propre. A la fin de sa vie, on a fait de Renoir un grand manitou de la direction d’acteurs, et lui-même a joué allègrement ce rôle plutôt flatteur. Or Renoir n’est sans doute pas un directeur d’acteurs tel qu’on peut l’entendre aujourd’hui. Il ne les amène pas du tout dans une direction, mais dans toutes les directions, et c’est ce qui donne leur richesse aux personnages qu’ils interprètent. Car l’important, dans la phrase prononcée par Octave le personnage interprété par Renoir lui-même dans le film , et dont on a fait la devise de son cinéma (« Il y a une chose terrible sur cette terre : c’est que tout le monde a ses raisons »), c’est sans doute le pluriel : chaque personnage de La Règle du jeu est partagé entre des envies, des désirs, des sentiments, des intérêts et des raisons contradictoires. Le cinéma ne fonctionne ni sur la perfection, ni sur l’homogénéité, ni sur une très grande rigueur. C’est une question de regard, c’est un regard qui se pose. La Règle du jeu, c’est l’art de montrer la grande illusion du monde.