Sous l’apparence d’un drame bourgeois, un des rares vrais films de résistance – esthétique, morale, donc politique – de l’histoire du cinéma français.
Robert Bresson, première période : le cinéaste, qui doit travailler avec des acteurs professionnels, ne s’est pas encore échappé du théâtre ennemi et de la littérature. Les Dames du bois de Boulogne, comme Les Anges du péché, son film précédent, empruntent au mélo et s’offrent le luxe dangereux des dialogues d’un écrivain (Jean Cocteau succède à Jean Giraudoux). Pourtant, éclatent dès 1945 l’exigence hors
du commun du cinéaste et sa volonté de créer un style moderne, qui révèle les possibilités inexplorées du cinématographe. L’utilisation du son, l’austérité des décors, le jeu à la fois antithéâtral et antinaturaliste
des comédiens rompent délibérément avec la production nationale de l’époque. Bresson, à la recherche de l’épure et de la rétention, avance avec certitude sur le chemin de son art, refuse de s’abandonner à la trivialité contenue dans le sujet. Les Dames du bois de Boulogne souffre à première vue du hiatus entre la préciosité du texte, la colère de tragédienne brimée de Maria Casarès
et l’aspiration de Bresson vers toujours moins d’effets. Mais l’impureté relative de ces Dames… les rend aussi admirables sinon davantage que les œuvres parfaitement maîtrisées du cinéaste. Il n’échappa pas aux plus fins commentateurs que les ultimes mots prononcés par le couple d’amoureux (« Reste avec moi, lutte… Ð Je reste. »)
font des Dames du bois de Boulogne, sous ses apparences trompeuses de drame bourgeois, un des rares véritables films de résistance – esthétique, morale, donc politique – de l’histoire du cinéma français.
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