Une rock-star déchue et défoncée se fait coacher par un fan pataud. Une production Apatow redoutablement drôle.
D’abord, le rire. L’assertion peut sembler banale à propos d’une comédie produite par le grand Judd Apatow, mais l’efficacité est ici telle qu’elle laisse le spectateur, même habitué, hébété : pendant trois quarts d’heure, American Trip est probablement ce que la petite -fabrique a sorti de plus drôle, du moins de plus frénétiquement drôle.
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Jusqu’à présent, l’économie du rire chez Apatow, -patiemment enseignée à ses poulains, frappait, justement, par son caractère économe : -rareté du gag, dilatation du discours, lente description des -affects, loin du sacro-saint “rythme” qui commande habituellement à la comédie. Ici, même si l’on retrouve les fondamentaux (références à la pop culture, obsession pour le corps et ses fluides, sentimentalité exacerbée), le rire est martial, le rythme effréné.
Le film débute, sous la forme agressive d’un clip de magazine people, par la présentation -d’Aldous Snow, rock-star british et fantasque (Russel Brand, délicieusement cabotin et plus émouvant qu’il n’y paraît), ex-vedette des nineties noyée dans l’alcool et la drogue depuis sa rupture amoureuse.
Personnage secondaire du précédent film de Nicholas Stoller, Sans Sarah rien ne va – c’est lui qui volait sa belle à Jason Segel, ici coscénariste –, Aldous est promu dans ce qu’il convient d’appeler un spin-off.
A ses côtés, Jonah Hill (l’hilarant fat kid de SuperBad, plus calme qu’à l’accoutumée) joue le rôle du fan éperdu, jeune employé de la maison de disques chargé par son boss (P. Diddy, à la surprenante habileté comique) de ramener l’épave à Los Angeles pour un grand concert censé renflouer les caisses vides du label.
Il a trois jours pour remplir sa mission, pas un de plus. On s’en doute, la route sera tortueuse, pleine d’escales imprévues (Londres, New York, Las Vegas) et de bitures mémorables, condensées en séquences clippées miraculeusement réussies.
Frénésie, disions-nous : SuperBad, Pineapple Express et The Dewey Cox Story avaient déjà dévoilé le goût d’Apatow & Co pour la défonce et le speed, mais l’inflation ici à l’œuvre tend à montrer que quelque chose a changé.
Premier film de l’après Funny People (le film du désenchantement, premier échec au box-office) et de l’après Very Bad Trip qui, avec son humour bourrin et misogyne, avait détrôné le roi Judd, American Trip porte les stigmates de l’un et de l’autre, dans un évident souci de reconquérir le public sans pour autant abandonner son identité.
A l’ivresse des premières bobines succède le hangover d’une seconde partie dont la férocité contre le couple et le spectacle – les deux mamelles d’Apatow, à la fois sources de fascination et de rancœur – rappelle les plus troubles instants de Funny People.
Et ce n’est pas un hasard si, après Londres et New York (sex, drugs & rock’n’roll), c’est à Las Vegas (ville du spectacle et du vice) et Los Angeles (le foyer et son lot de déceptions) que se situe le nœud gordien, la boule de haine à expulser.
Que cette expulsion se fasse dans un happy end forcé, semblant laver à la Javel ce que le film a patiemment bâti, n’y change rien : American Trip est un film jouissif, une arme de guerre comique contre l’hypocrisie du show-business et les illusions sentimentales.
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