La rencontre entre le réalisateur nippon Nakata, l’internet et des ados anglais destroy donne un film tendu et hanté.
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Chatroom est la seconde délocalisation d’Hideo Nakata en langue anglaise. La précédente, hollywoodienne, Le Cercle 2 (2005), avait un goût de sushi mal décongelé. Une dilution vaine de son savoir-faire horrifique, malgré Naomi Watts inspirée en maman terrifiée mais revêche.
Dix ans après Ring qui lança la J-Horror, mélange nippon de folklore local et d’anxiété moderne qui popularisa dans le monde les esprits enragés aux cheveux gras, que fait-il ? A peu près la même chose, mais en Angleterre, à la manière d’une fusion food heureuse plus goûtue que chez Wagamama, la fameuse chaîne britannique de restaurants spécialisée dans la soupe de nouilles japonaises « con tem poraine ». Nakata doit composer ici avec le scénario d’Enda Walsh, plume de l’empesé Hunger, qui imagine comment William, ado à problèmes, monte un groupe de chat avec des jeunes de son âge pour manipuler leurs insécurités. Et pousser le plus fragile au suicide.
Tiré de la propre pièce de théâtre de Walsh, basée sur un fait divers en Irlande, le film traduit ses origines sur les planches par sa manière de représenter, au sens littéral, l’internet et ses chatrooms : un couloir, des chambres, des personnages qui y discutent. Nakata repeint les intérieurs en les stylisant, les chambres reflétant la personnalité des occupants – des décors artificiellement et aussi invraisemblablement flashy que le monde réel, des parents, et forcément gris.
Le concept, simple mais futé, permet de changer des inévitables plans d’ordinateur tout en rappelant quelques lois des réseaux sociaux : la mise en scène de soi avec smiley ou avatar (ces masques de commedia dell’arte contemporains), la dématérialisation de la causerie de salon, la futilité s’hypertrophiant et montant comme une ivresse. Nakata filme les chatrooms comme un fantasme saturé et trop sucré, dont l’artificialité assumée est proche de celle de Kwaidan, classique du film de fantômes japonais entièrement tourné en studio.
William (l’impeccable Kick-Ass, Aaron Johnson) finit par être le grand frère de Sadako, le spectre enragé de Ring, par son omniprésence virale auprès de ses « amis ». Lorsqu’il se cache sous l’identité d’un autre internaute pour les tromper, il est à l’écran une créature nakatienne, à savoir fantomatique, retorse et obsédée. Ironie : William est le fils d’une écrivaine célèbre pour son héros à la Harry Potter, double négatif du magique premier de la classe.
Le film est peut-être moins une critique de l’internet qu’un symptôme, une vision mortifère de la jeunesse – celle aussi bien logée dans la filmo de Nakata (aux enfants vengeurs) que dans la série british Skins (aux ados autodestructeurs), invitée dans Chatroom via deux de ses acteurs, Hannah Murray et Daniel Kaluuya. Le chat devient enfin un dialogue interculturel réussi, que Nakata emballe dans un thriller efficace, à l’ambiance plus réussie que sa narration un peu précipitée. Un upgrade de son univers (d’ubiquité et d’ambiguïté) que l’on espère transitoire, avant un prochain projet plus original.
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