Le cinéaste mexicain signe un western où la police des frontières remplace les cow-boys. Tout en tact et en finesse.
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Avec des noms comme Iñárritu ou Reygadas, le cinéma mexicain affiche une assez belle santé artistique, si l’on en juge par les récents et excellents Parque vía d’Enrique Rivero ou Année bissextile de Michael Rowe (Caméra d’Or 2010).
A son tour, un certain Rigoberto Pérezcano apporte sa pierre à cette cinématographie indépendante qui semble se déployer à l’ombre des sombreros, scrutant la société et explorant les formes.
Norteado appartient au sous-genre du “film de frontière”. L’action se passe à Tijuana, où la frontière n’est pas une abstraction mais une ligne de séparation bien concrète, matérialisée par les habituels postes de douanes et surtout par un mur de béton serpentant sur des centaines de kilomètres.
Certains des plans les plus saisissants du film montrent l’alignement de pavillons et de jardins le long de ce mur : d’un côté, la vie difficile sinon la misère, de l’autre, à un mètre, la promesse de l’eldorado.
Andres cherche justement à passer durablement cette frontière, par n’importe quel moyen. Il y parvient souvent, mais se voit systématiquement refoulé. La ville-étape de Tijuana se transforme ainsi en zone de transit prolongé.
La vie provisoire à Tijuana n’est pas si horrible pour Andres, bien qu’il y soit déjà en situation de relatif exil puisqu’il est originaire d’Oaxaca, dans le sud du pays. Le jeune homme a trouvé gîte et petit boulot dans l’épicerie d’Ela et Cata.
L’une est d’âge mur, mais encore désirable et dési-rante. L’autre, sexy mais timide, pourrait être sa fille. Entre les trois circulent le désir, l’attirance, la jalousie.
Pérezcano traite son histoire avec beaucoup de précision, de tact, de patience, de finesse psychologique. Les plans durent le temps nécessaire, le montage est ample, les dia-logues parcimonieux.
Le réalisateur maintient un bel équilibre entre l’intime et le sociétal, une juste tension entre les relations humaines, sexuelles, sentimentales, et le contexte politique de cette zone frontière “nord-sud”. Dans la dernière partie du film, on ne sait plus trop si Andres rêve toujours de passer au nord où s’il ne préférerait pas rester avec Ela et Cata. Il s’est attaché à ce qui était au départ envisagé comme provisoire.
Norteado, c’est un western contemporain où la police des frontières remplace les cow-boys, alors que les Latinos succèdent aux Indiens et que les tenanciers du saloon sont des femmes.
Le conflit central du western y est inversé : aujourd’hui, ce sont les “Indiens” qui émigrent et les “cow-boys” qui entendent défendre leur territoire et chasser les nouveaux arrivants. La vision de la question de l’émigration y est subtile : partir de chez soi, c’est à la fois un projet vital et un arrachement, semble dire Pérezcano.
Norteado suggère aussi cette belle ou inconfortable idée : parfois, on ne choisit pas sa vie, c’est elle qui vous dirige.
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