L’émancipation des ménagères argentines passera par la pratique du puzzle. Un portrait attachant.
C’est l’histoire de Maria Del Carmen, une mère au foyer modèle : amoureuse et aimée de son mari commerçant, bonne cuisinière et bonne ménagère, toujours présente pour ses deux fils adultes, docile, travailleuse.
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On note toutefois, le jour où elle casse un plat sans valeur et où elle s’entête à en retrouver tous les morceaux, qu’elle semble légèrement obsessionnelle. C’était justement le jour de son anniversaire : elle a couru partout pour satisfaire chacun sans jamais profiter de la fête et elle a reçu en cadeau un puzzle.
Sa vie va peu à peu changer, s’élargir à d’autres horizons. Constatant qu’elle se révèle assez douée pour cette nouvelle activité, elle répond à une petite annonce et fait ainsi la connaissance de Roberto, un vieil homme élégant et riche, lui aussi passionné par les puzzles, qui cherche une partenaire pour participer à des tournois.
Le premier film de Natalia Smirnoff raconte une femme, son rôle au sein de la famille et de la société, qui consiste à faire tenir toutes les pièces ensemble, à les emboîter tout bien comme il faut et le plus vite possible. La métaphore peut paraître un tantinet pesante, mais Smirnoff l’établit d’emblée : elle est le point de départ du film et non son aboutissement trop précoce.
La réalisatrice va ensuite avancer chaque plan de son film comme une nouvelle pierre à son édifice, dont le sens général n’apparaîtra qu’à la fin du film (dans les tournois officiels de puzzle, on travaille sans modèle, nous explique-t-on).
Car l’ouverture sur le monde de Maria Del Carmen va bien évidemment bouleverser l’ordre établi dans sa famille : pour retrouver Roberto et s’entraîner au puzzle, elle va devoir mentir, abandonner son foyer et son entretien deux après-midi par semaine.
Les remarques désagréables de son mari vont faire mouche. Mais là n’est pas le plus grave, et Natalia Smirnoff a toujours l’intelligence de déjouer les pièges et d’éviter la facilité : jamais le couple et la famille de Maria Del Carmen ne seront réellement mis en danger.
Car une fois de plus, c’est autre chose qui semble intéresser Smirnoff : le changement de l’emploi du temps de Maria Del Carmen, le léger décalage qu’elle introduit dans son existence si routinière, va lui permettre de regarder les siens différemment, un peu de biais.
Et elle va découvrir que leur vie à l’extérieur de l’appartement familial est légèrement différente de ce qu’elle imaginait (son mari pratique une discipline asiatique), ou du moins qu’elle n’en connaissait pas tout. Au fond, on ne sait rien de ceux avec qui on vit, semble dire Puzzle, il suffit d’un rien pour qu’on aperçoive un petit bout de ce monde inconnu.
Mais en a-t-on vraiment envie ?
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