A l’occasion du passage de Bloc Party le 10 février à L’Olympia, retour sur leur tentative de contournement du music-business cet été avec la publication avancée sur internet de leur troisième album Intimacy.
L’industrie du disque est en crise. Et alors que l’ensemble des acteurs de la filière commence sérieusement à se remettre en question et avoue enfin l’urgente et nécessaire rénovation/réinvention du secteur, moult artistes, ici et là, titillent la chose, tentent des solutions alternatives. Il y a les militants de toujours, qui hurlent et démontrent à qui veut l’entendre (pas grand monde en fait) diverses alternatives, le plus souvent raisonnées (si si). Et puis, il y a les groupes médiatisés, connus et reconnus, qui jouent aux Géo Trouvetout. Trois pointures, dont Bloc Party, ont récemment bousculé leur monde.
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Les incontournables Radiohead d’abord, et l’opération « Pay What You Want » du dernier In Rainbows, Nine Inch Nails et la diffusion sous licence Creative Commons de son Ghosts I-IV, et Bloc Party (nous y venons) avec la parution, deux mois avant sa sortie, d’Intimacy, en téléchargement légal sur la toile pour la modique somme de cinq euros.
Les premiers ont plutôt bien réussi leur coup (In Rainbows s’est au total vendu, et non donné, à 3 millions d’exemplaires, tous formats confondus), les seconds ont carrément tout explosé (avec l’album mp3 le plus vendu en 2008 sur la plateforme de téléchargements d’Amazon).
Et les troisièmes ? Humm, le bilan est plus mitigé.
[attachment id=298]Rappelez-vous… Le mois d’août, l’ennui se fait sentir, pas envie de reprendre le train-train quotidien boulot dodo, rien ne se passe, nulle part. Morne ambiance. Et puis miracle, un buzz ! Etoile filante dans un ciel brumeux. A la surprise générale, Bloc Party annonce la sortie de son très attendu troisième album Intimacy – pourtant prévu pour le mois d’octobre suivant – en téléchargement légal, contre cinq euros de votre poche. A la surprise générale. A la surprise des fans. Celle des médias, également, totalement pris de cours. L’édition physique sortira plus tard, dans les délais précédemment annoncés.
Dans une interview exclusive donnée les quelques jours précédents la sortie officieuse, Kele Okereke nous expliquait les raisons d’une telle sortie : « Ce que Radiohead a fait avec In Rainbows m’a énormément plu. Le principe est de retrouver l’excitation que je connaissais quand j’étais gamin. Un disque sortait, un disque d’Oasis par exemple, et tout les kids l’achetaient dans la journée, se dépêchaient de rentrer chez eux, tous obsédés par ce qu’ils allaient entendre, puis commençaient à le commenter le lendemain, tous ensemble, en classe.
C’est quelque chose qui manque pour les générations actuelles. Retrouver cette instantanéité, et cette expérience commune, est pour moi quelque chose de très excitant. Aujourd’hui, les albums se retrouvent tous d’une manière ou d’une autre sur le net, tout le monde le télécharge quand il veut, tout le monde se fout de la date de sortie, plus personne n’a ce sentiment génial et frustrant de l’attente, il n’y a plus cet entraînement, cet intérêt collectif pour les albums. Je trouve ça très triste.
C’est aussi un moyen de casser la routine et les contraintes étouffantes de l’industrie du disque. Faire un album, avoir une deadline, puis devoir attendre tant de mois pour le publier, tant de semaines pour que le premier single se retrouve en radio, puis dans les bacs, c’est quelque chose d’assez pénible et de frustrant pour un groupe. C’est un système oppressant. »
Qu’allait-il se passer ensuite ? Les fans iraient-ils sans hésiter se ruer sur le mp3 ? Ou attendre un jour de plus pour se procurer la chose via les réseaux peer-to-peer ? Qu’en serait-il des ventes physiques ?
Au final, ce sont plus de 250 000 albums qui se sont vendus en Europe (dont 20 000 en France et 120 000 en Angleterre) et plus de 140 000 pour les Etats-Unis et le Canada. Soit, au total, près de 400 000 supports lâchés dans le monde à ce jour. On demeure certes loin des trois millions d’exemplaires vendus par Radiohead, restent des chiffres relativement imposant pour un groupe indé de l’envergure de Bloc Party. Et combien de mp3 téléchargés en avant-première sur le site du groupe ? Silence radio.
Alors, Bloc Party sera-t-il au final parvenu à vendre davantage que s’il n’avait pas créé la sensation via un mode alternatif de diffusion ? Pas sûr : le premier album s’était lui vendu à plus de 600 000 exemplaires dans le monde (dont 100 000 en France) et le second opus avait lui atteint les 30 000 exemplaires dans l’hexagone. Par comparaison, le pourtant très bon Intimacy, malgré des chiffres convenables, fait ainsi figure de perdant.
Percer par la marge : nouveau credo du succès ? Evidemment non, ou seulement pour des artistes préalablement institué dans le paysage médiatique, ou encore portés par un réseau de fans gigantesque. Kawaii, Jours, Léna – artistes de l’hexagone aussi fabuleux qu’inconnu du grand public- auraient-ils pu bénéficier de telles retombées promotionnelles et donc financières ? La question se passe de réponse…
Bloc Party a su/pu user d’un filon ouvert par Thom Yorke et sa bande. C’est bien. C’est malin. C’est hypocrite aussi, un peu. Mais assumé, et tant mieux pour les Londoniens, qui régleront de toute façon leurs comptes sur scène -où ils excellent plus encore que sur disque.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
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