Jeudi soir, au Stade de France, Eminem a livré un show ni tout à fait bon, ni tout à fait mauvais. Mais très frustrant.
La dernière fois qu’on a croisé Eminem à Paris, au sortir d’une cure de désintox qui aurait pu lui coûter sa carrière, on l’avait trouvé affaibli, passablement fatigué, quoique lucide et éloquent. On l’a retrouvé bien plus hargneux, volubile et vengeur jeudi soir, étirant son répertoire en point d’orgue de la grand messe rap du Stade de France, qui a vu défiler en ouverture Chance The Rapper, Earl Sweatshirt & Tyler the Creator (Odd Future) et Kendrick Lamar.
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Pourtant, il manquait quelque chose. Est-ce le gigantisme de ce stade blindé stade face à l’étroitesse du son ? Est-ce le pilotage automatique du show, la mise en scène spartiate, la scénographie téléphonée ? Un peu de tout, probablement, mais plus que le reste, c’est la frustration qui dominait face à ce medley façon rock de stade qui jette dans la fosse ses plus fameux morceaux pour les faire avorter au terme du premier couplet. Défilent ainsi Square Dance, Like Toy Soldiers, 3 AM – dont on saisit à peine les paroles – ou White America, sans grande conviction ni panache, tous irrémédiablement coupés au moment fatidique, quand le MC menace de décoller vraiment. C’est râlant, car le blanc-bec se donne à fond. On ne peut lui enlever cette énergie, cette hargne, cette fièvre rappée qui captive lorsqu’on le fixe un instant.
Difficile de dire que c’est mauvais ; difficile aussi de dire que c’est bon. Eminem conserve un très haut niveau, qui perce de manière éclatante lorsque le play-back la met en sourdine sur une poignée de rimes, sur un couplet de Mosh, sur le brillant Criminal qui ébranle tout le stade, ou sur cet échange bien senti avec son compère de Detroit, Royce da 5’9. Mais le cirque reprend, et ce sont encore des coups de feu balourds qui mettent un terme à Stan, une chanson qui n’a pourtant aucun sens sans son dernier couplet. Quand à Cleaning Out My Closet, une paire de gifles adressée à sa mère, c’est un solo de guitare lourdingue qui lui évite de dérouler la fin de ce texte touchant.
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Le pilote automatique est bien visible, ça devient pénible. La setlist est la même que celle du concert en Belgique, la même que celle du concert en Irlande, tandis que le « Bonsoir Paweeee ! », l’hommage à Proof et les deux ou trois mots de convenance échangés avec le public sont placés au même endroit. Peu de marge de manœuvre pour le MC qu’on a pourtant du mal à détester, particulièrement lorsqu’il récupère en point d’orgue le triumvirat My name is, Slim Shady et Without Me, dont la dimension « rap de stade » à l’efficacité avérée referme la setlist sous un tonnerre d’applaudissements. Dommage.
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