Installé dans la capitale allemande, le duo anglais sort enfin de l’ombre. Leur musique intense et sombre reste à apprivoiser mais recèle des trésors sensoriels.
Ca commence comme du Michel Fugain et ça se termine entre les murs du son vibrants de Spacemen 3. C’est un beau roman, c’est une belle histoire qui démarre il y a six ans, lorsque Nick Wood donne un concert à Leeds avec son groupe de l’époque. Dans la salle, la jeune Kat Day a fait le voyage depuis Londres sur ses terres natales du Nord – elle est originaire de Leeds mais étudie l’art dans la capitale –, et les deux finissent ce soir-là par entrer en contact pour ne plus jamais se séparer. Nick ne tarde pas en revanche à se séparer de son groupe et entame un projet solo sous le nom de Klaus Von Barrel, réduit aux initiales The KVB lorsque Kat s’empare des claviers et que le tout jeune couple se mue en duo.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
“A l’origine, je devais m’occuper de tout le travail visuel autour de la musique de Nick, précise Kat, mais j’ai finalement surmonté ma timidité et j’ai fini par monter sur scène.”
Dans un coffee-shop du côté de Rosenthaler Platz
C’est à Berlin, dans un coffee-shop du côté de Rosenthaler Platz, que l’on croise les deux jeunes gens peu avant la sortie de Of Desire, déjà leur sixième album mais le premier véritablement enregistré pour le label de Geoff Barrow (Portishead), Invada, après l’instrumental Mirror Being publié l’an dernier.
“Nous vivons à Berlin depuis deux ans mais nous sommes un peu des étrangers partout, dit Nick. A Londres, nous étions déjà en marge, ici il nous arrive de rester deux mois sans voir personne pour nous concentrer sur notre travail, sur les concerts à venir.”
Cette autarcie volontaire, on la retrouve mise en scène dans une musique qui agrège un long et tortueux héritage où figurent pas mal de duos frondeurs ayant marqué – et martyrisé – le paysage sonore des quarante dernières années, de Suicide à Cabaret Voltaire en passant par Chrome ou The Jesus And Mary Chain. Monolithes synthétiques, psychédélisme raide et sous hypnose, chant privé d’air, guitares qui lacèrent et enlacent dans une même pulsion SM, beats cardiaques, leur séduction sans évidence se mérite, et il faut du temps pour apprivoiser une discographie-labyrinthe disséminée sur des ep, cassettes ou autoproductions obscures.
Crever le ciel opaque
Avec Of Desire, que porte en éclaireur le single In Deep, ils crèvent un peu le ciel opaque qui les recouvrait jusqu’à présent. Sans risquer les coups de cagnard, leur electro-rock ténébreux s’est légèrement empourpré au contact du studio, à Bristol, après des années de chambrette capitonnée, et le thème du nouvel album n’y est sans doute pas pour rien :
“Le désir, la séduction, les relations amoureuses dans ce qu’elles peuvent aussi avoir de violent ont dominé les chansons, constate Kat. Il y a une vibration sexy nouvelle dans notre musique qui vient peut-être de Berlin. In Deep est l’un des premiers morceaux que nous avons écrit en arrivant ici, et avec le recul on voit que notre musique a un peu bougé au contact de la ville.”
Le duo a aussi pas mal voyagé, invité notamment par l’un de ses plus fervents supporters, Anton Newcombe, à jouer en Australie avec The Brian Jonestown Massacre. A Berlin, ils ont également partagé la scène avec les barons locaux de Einstürzende Neubauten, confrontant leur chétive jeunesse à ces vieux colosses, tandis que l’ancien Spacemen 3 Sonic Boom s’est personnellement proposé pour masteriser leur album et lui donner ainsi un peu d’espace et d’altitude.
“La femme de Peter (Sonic Boom) est devenue notre manageuse, ils sont tous les deux très présents autour de nous, ce qui est une forme de validation car nous avons été fortement influencés par cette scène noisy des années 80/90. C’est grâce à cette porte d’entrée que nous avons découvert le shoegaze, puis le post-punk, la musique expérimentale, le rock indus et le psychédélisme des années 60, bref, toute la musique qui nous inspire.”
Dark-wave ou pas
Leur relecture sans soutien scolaire de ces plages mouvementées, leur manière de détourner à leur profit ces langages cacophoniques font de The KVB une cellule bien plus passionnante que l’ordinaire de la production dark-wave, sous-genre auquel on les rattache faute de repères. Leur différence se joue également sur scène, où les visuels vibratiles travaillés par Kat Day donnent chair à une forme d’art total hypnotique héritée des grandes performances du genre, de Pink Floyd à Cabaret Voltaire.
“Il se trouve, considère l’intéressée, que nos deux activités musicales et plastiques se sont parfaitement mariées dès le départ. Il y avait quelque chose de commun entre les sons que Nick inventait et ma façon de traiter les images. On s’est rendu compte que nos techniques était finalement assez voisines.”
Grâce à l’élasticité de son champ d’action, le groupe est désormais l’invité en parallèle de festivals psychédéliques ou techno, et semble aussi à l’aise parmi les volutes lumineuses que sous la morsure des stroboscopes. Of Desire, leur disque le plus docile à ce jour, pousse d’ailleurs autant de portes intrigantes qu’il contient de morceaux et pourrait enfin leur ouvrir celle d’une reconnaissance à plus grande échelle.
Concerts le 21 mars à Lille, le 22 à Strasbourg, le 23 à Rouen, le 24 à Paris (Maroquinerie), le 25 à Lorient, le 26 à Nantes, le 27 à Limoges, le 2 avril à Nîmes
{"type":"Banniere-Basse"}