Première réalisation de Judith Godrèche, qui s’autoportaiture en chanteuse un peu déboussolée.
C’est à l’aune de tels films qu’on mesure l’ampleur de l’injustice qu’il y a à accuser la majorité du cinéma français d’être nombriliste.
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Car le film de Judith Godrèche l’est, lui, nombriliste (et pourquoi pas), ne s’en cache pas et ne parle que de cela : de l’incapacité d’une jeune femme à sortir de ses petits soucis personnels, c’est-à-dire à accepter son âge réel, à assumer son “talent” artistique (chanteuse), son désir de maternité ou même tout simplement son charme naturel.
La mise en scène et l’inconscient du film sonnent au diapason de l’immaturité ou du déséquilibre intérieur de son personnage principal comme si cela allait de soi, comme si un autre registre était inenvisageable : Judith Godrèche, de tous les plans ou presque, prend un étrange plaisir à se filmer sous tous les angles – elle a raison, elle est très jolie –, même sous ceux qui ne la mettent pas en valeur.
Son personnage arpente la vie avec un air de petite fille perdue (plutôt sûre d’elle, paradoxalement) qui espérerait trouver sa voie sans jamais avoir à trop la chercher.
Le film a des moments de grâce, des images nuageuses hors du temps, dans l’univers très petit, inhibé et sans énergie de l’héroïne, où les éclairages tamisés et diffus alternent avec les spots clinquants de la scène (elle répond au doux nom de Lucie).
Eric Elmosnino (le film a été tourné avant le Gainsbourg (vie héroïque) de Joann Sfar) est plutôt parfait en amant impossible. Mais rien ne prend jamais vraiment dans ce film au charme ténu et extrêmement désuet, qui semble à la fois fier de lui et constamment en sous-régime, insensible au reste du monde et à l’air du temps, non pas comme s’il les refusait intellectuellement, mais comme s’il n’en avait pas conscience.
Et Lucie, avec ses jolies dents toutes blanches, continue, pauvre créature souriante, à errer dans un Paris tristounet où les vicissitudes de la vie quotidienne, professionnelle ou sentimentale, comme un petit caillou cruel dans la chaussure, se manifestent toujours comme une vague fatalité désagréable mais sans véritable conséquence sur l’intégrité psychologique du nombrilisme confortable de Lucie.
Un bien curieux film, vraiment, qui sort accompagné d’un disque avec des chansons de Benjamin Biolay dedans, que Judith Godrèche a enregistré, sur le même thème dépressif.
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