Rencontre documentaire, paradoxalement sans fard, avec des hommes qui aiment se déguiser en femme.
Il y a ceux qui collectionnent les timbres, ceux qui jardinent ou qui pêchent à la mouche : ça les détend. Les hommes qu’a choisi de rencontrer et de filmer Chantal Poupaud (productrice, mère de Melvil) ont une autre passion, plus troublante en apparence : ils aiment se déguiser en femme.
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Ils y investissent de l’énergie, de l’argent (le matériel est coûteux, et certains louent une garçonnière pour être tranquilles).
Plus que tout, c’est le moment de leur mue, parfois longue, qui leur plaît et que capte Chantal Poupaud pendant qu’ils nous parlent de leur vie, du plaisir qu’ils ressentent à se travestir, de leur culpabilité. Car, bien évidemment, se déguiser en femme n’a rien d’anodin dans une société qui continue à juger d’un mauvais œil tout ce qui touche aux genres et à leur brouillage.
Alors, dans ce film modeste qui ne cherche pas à nous vendre quoi que ce soit sinon à montrer une passion qui sort peut-être (qu’en savons-nous ?) de l’ordinaire, nous assistons à toutes les étapes de leur transformation, que l’on estimera étrangement semblable d’un homme à l’autre.
L’ordre est toujours le même : se dévêtir, enfiler des postiches qui escamotent la virilité et accentuent la courbe des hanches, puis des bas, se maquiller longuement, presque outrageusement (le travestissement en femme passe toujours par un excès des codes de représentation féminine), se vêtir d’une robe et, moment semble-t-il capital, mettre une perruque et devenir enfin le personnage qu’ils se sont inventé (tous se sont choisi un pseudonyme féminin).
Tous, également, se disent hétérosexuels ou presque, mais souffrent de leur passion, si souvent incomprise par leurs proches, et culpabilisent, se cachent, mentent, se retrouvent entre eux grâce à internet.
Ils ne veulent pas se faire opérer, prendre des hormones, leur travestissement leur suffit. Ils se sentent eux-mêmes en toutes circonstances, qu’ils soient en homme ou en femme.
Chantal Poupaud ne cherche pas d’explication, n’impose aucun commentaire à ses images, laisse libre le travesti de s’exprimer comme il l’entend, le spectateur de penser ce qu’il pense, même si certains de ces hommes tentent des interprétations, évoquent une passion qui remonterait et qui les ramènerait à l’enfance, à leur mère.
Ils y trouvent une sérénité, un contraste, un calme dans ce qui tranche avec leur métier “si masculin”.
Dans le film, ils sont seuls face à un miroir et s’attellent à leur passe-temps en obéissant à un rituel qui semble inamovible, donc intemporel. Comme si leur plaisir se trouvait autant dans l’oubli du monde qui gronde à l’extérieur, dans la perte de repères temporels, que dans le fait de devenir autre.
Un petit théâtre qui les isolerait du réel, comme les comédiens d’une pièce qui se joue sans texte, sans partenaire, sans spectateur.
En complément, projection du court métrage de fiction Les Paradis perdus d’Hélier Cisterne, sur le même thème.
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