Achille et la tortue, nouveau long métrage de Takeshi Kitano, délaisse l’univers polaro-mafieux de ses grands films pour se concentrer sur un autoportrait du cinéaste en artiste peintre raté.
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Achille et la tortue, nouveau long métrage de Takeshi Kitano, délaisse l’univers polaro-mafieux de ses grands films pour se concentrer sur un autoportrait du cinéaste en artiste peintre raté.
Le film suit l’évolution de Machisu, enfant précocement doué pour la peinture, jusqu’au seuil de la vieillesse (Kitano interprète magnifiquement Machisu adulte).
Particularité du personnage : il s’entête à peindre sans jamais vendre un seul tableau ni faire la moindre exposition. Placé sous le signe d’une fable mathématique selon laquelle le coureur Achille ne pourra jamais rattraper la tortue, le film est un récit d’obstination et d’impuissance.
En déroulant la vie artistique de Machisu, Kitano fait défiler en contrebande toute l’histoire de l’art du XXe siècle, des tableaux naïfs au pop art en passant par les performances et le body art le plus radical : un des comparses de Machisu meurt pour son art et lui-même est prêt à s’infliger les pires tortures pour les besoins d’une création.
Le regard que Kitano pose sur son double fictif est incertain. Voit-il son personnage comme un génie incompris ou comme un copiste sans talent ? Son insuccès chronique est-il mérité ou profondément injuste ? Kitano suggère que c’est au spectateur de trancher et que l’impact d’une œuvre est toujours la conjonction de deux éléments : le talent d’un artiste et la reconnaissance d’un public.
Mener ainsi une réflexion profonde sur sa carrière et son art semble avoir redonné des ailes à Kitano : humour ravageur, sens aigu du burlesque, limpidité tranchante dans la composition des plans et l’usage de la couleur, aisance dialectique rare entre la surface et la profondeur, capacité à glisser sans heurts de la gravité du sujet à la légèreté de son traitement.
Seul un grand cinéaste peut savoir rire et faire rire sur la création comme question de vie et de mort, l’art comme folie et la vie comme suite d’échecs sublimes.
Peu importe le résultat – artistique ou commercial –, semble dire Kitano, seuls comptent le trajet, la capacité de consacrer sa vie à la poursuite de ses désirs, de rester en accord avec soi-même.
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