Une comédie antimilitariste enlevée, où Clooney et McGregor font des merveilles.
Dans Clooney, il y a clown. Derrière ce constat un peu bébête mais euphorique, lisez que Les Chèvres du Pentagone n’est pas un chef-d’œuvre de cinéma, une comédie à l’écriture ultrafine, composée et cultivée comme les frères Coen savent en pondre avec tout le talent quand même un peu pincé qu’on leur connaît, mais une bonne grosse comédie américaine franchement poilante avec de bonnes vieilles ficelles.
Sa cible principale semble échappée du tournant des années 60-70 (tendance M.A.S.H. d’Altman) et de quelques nuages de fumette : “que les militaires sont cons”.
Le film (beau scénario) s’inspire librement et avec une belle extase d’événements réels. L’armée américaine, en pleine vague “new age”, avait créé un peloton secret censé tester les potentialités humaines à la télékinésie et autres pouvoirs paramentaux.
L’un des tests imposés, qui donne son titre au film, consistait à endormir des chèvres en les regardant dans les yeux. Triés sur le volet, les soldats engagés dans ces recherches devaient présenter un profil disons tout à fait particulier.
Le film réalisé par Grant Heslov se déroule de nos jours et raconte l’histoire d’un journaliste un peu miteux (Ewan McGregor) qui part du jour au lendemain en Irak, comptant sur la chance pour tomber sur un reportage saisissant.
Il tombe surtout sur un ancien membre de ce peloton d’élite (Clooney, nuque rasée et moustache de flic français), qui n’en est jamais tout à fait sorti (il se présente face à McGregor, qui s’y connaît un peu, comme un “chevalier jedi”).
Après un flash-back de choc qui rappelle la vie quotidienne de l’ex-service supramental et dresse un magnifique portrait de colonel en chef (Jeff Bridges), les deux lascars s’entraînent mutuellement dans une aventure sans lendemain, qui en trouvera un grâce à l’inexpérience de l’un et la belle folie de l’autre .
Le buddy-movie en terre guerrière finit par patiner un peu, mais l’essentiel est fait : on a bien ri. Surtout, le film a renoué avec une morale typiquement américaine, issue de la contre-culture : dans ce monde horrible, mieux vaut vivre fou que raisonnable.
Grant Heslov, plus connu comme producteur et scénariste (des Coen, mais surtout de Clooney), ne vise pas, et on lui en sait gré, à figurer dans la prochaine édition de 100 ans du cinéma américain des éternels et boulimiques Tavernier et Coursodon : sa réalisation est invisible, la mise en scène consistant manifestement pour lui à mettre en scène des acteurs.
Et de ce côté-là – depuis ses débuts, dans les années 80, dans un épisode de Happy Days, Heslov mène également une carrière de seconds rôles –, eh bien il s’y connaît.
Les Chèvres du Pentagone est une pochade antimilitariste entre amis, conduite avec ce doigté qui fait qu’une réplique, quand elle tombe, est drôle ou ne l’est pas. Et il se trouve que dans Heslsov, il y a “laugh”.