Un sujet lourd, sous le double patronage Jacques Demy-Claude Lanzmann : pari à demi-tenu.
Depuis Jeanne et le Garçon formidable, on suit avec intérêt et empathie la filmo de Ducastel et Martineau, deux garçons sans doute formidables, attachants en tout cas par leurs sujets et leurs références esthétiques.
L’Arbre et la Forêt est un de leurs projets les plus ambitieux puisqu’il évoque la déportation des homosexuels, apportant ainsi un éclairage spécifique sur un événement historique qui mobilise beaucoup la fiction ces derniers temps (Liberté de Tony Gatlif, La Rafle de Rose Bosch, voire Shutter Island de Scorsese).
Ducastel et Martineau inscrivent ce lourd sujet dans un genre très français : la réunion familiale et son proverbial lavage de linge sale.
Suite à l’enterrement d’un fils aîné avec lequel il était en conflit, Frédéric va révéler à sa famille son secret.L’Arbre et la Forêt semble se déployer sous les auspices de deux “maîtres” aux filmos très dissemblables.
La veine Demy (qui remonte à Sirk et Ophuls), c’est le lyrisme qui irrigue le film : importance des arbres, de la nature, de la musique, éléments sensoriels que le personnage principal et les réalisateurs font “chanter” à l’unisson.
Bien que ce film soit une fiction, il nous semble que le Shoah de Claude Lanzmann a également servi de boussole. En effet, contrairement aux autres fictions sur le sujet, il n’y a ici aucune image de reconstitution, Ducastel et Martineau faisant resurgir le passé uniquement par le biais de la parole de Frédéric/Guy Marchand.
Choix théorique louable, mais qui ne fonctionne pas forcément : la parole des témoins de Lanzmann saisissait parce qu’elle était frappée du sceau du vécu ; ici, elle est un texte de fiction dit par un acteur, et sa puissance en est nettement amoindrie.
Ces passages racontés sont moins forts que les conflits familiaux représentés au présent. Au lieu de se rehausser mutuellement, le romantisme sombre à la Demy et la parole nue à la Lanzmann se marient mal.
Pari demy-lanzmannien, pari demi-tenu ou demi-perdu. Plus qu’un éclairage sur un aspect particulier de la Shoah, on retient de ce film son casting génial : des acteurs magnifiques que l’on ne voit pas assez souvent (Guy Marchand, Françoise Fabian, Catherine Mouchet), d’autres tirés de l’oubli (François Négret) et de belles jeunes pousses (Sabrina Seyvecou, Yannick Rénier).
Rien que pour eux, ce film vaut le coup.