La rémission comique d’une jeune femme larguée par son mec. Une comédie tour à tour primesautière et ésotérique.
Les filles ont-elles quelque chose de spécial ? On ne répondra pas à cette harassante question, mais force est de constater que s’il y a un cinéma comique féminin français, il est assuré par des femmes qui font des films uniques en leur genre : Sophie Fillières et ses personnages féminins qui ne cessent de se cogner à droite à gauche (Un chat un chat), Valérie Mréjen et ses candides qui encaissent placidement (La Défaite du rouge-gorge)…
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Souvent, une même aventure se dessine, qui pourrait être celle d’un certain comique métaphysique contemporain : entre l’excessive littéralité du monde et son tout aussi excessif cryptage, quel répit est possible ? Une troisième, Valérie Donzelli, au projet beaucoup moins théorique mais tout aussi construit, vient ajouter son petit caillou à l’édifice.
Actrice de cinéma chez Sandrine Veysset, Anne Fontaine, Jean-Pascal Hattu, mais aussi pour quelques séries télé et téléfilms à succès (Clara Sheller, Les Camarades), collaboratrice du génial Vincent Dietschy, on la sait capable de passer en une seconde de l’inconséquence à la concentration.
C’est une jeune femme très brune et ultravive, qui s’amuse d’un papillon à la couleur inédite (“Oh, un rose poudré !”), le suit quelques instants, puis s’arrête net, traversée par une question métaphysique : “Etre ou ne pas être un papillon ?” Son passage derrière la caméra lui ressemble.
L’argument est féminin, comme on dit. Une jeune femme, jouée par Valérie Donzelli elle-même, terrassée par un chagrin d’amour, cherche l’oubli dans les bras d’autres hommes.
Les Roméo, au nombre de trois, incarnent tous un type : l’étudiant romantique, le mari bourgeois, le petit mec pervers. A l’opposé les uns des autres, ils sont joués par un même acteur (Jérémie Elkaïm), qui n’est autre que celui qui incarnait l’amoureux perdu initial. Soit une forme de jeu de l’oie et d’élucidation de soi dont on ne dira pas la fin.
Les hommes et les femmes se livrent une drôle de guerre en ce moment : soit l’assaut de comédies de vautrage masculin (Very Bad Trip) contre les comédies d’hystérie féminine (Sex and the City).
Femmes et hommes n’ont qu’une obsession (s’acheter le dernier sac à main/se casser de la maison) et proposent un monde absolument sinistre, oui, absolument sinistre, alors vive les antidotes.
La Reine des pommes puise certes dans un matériau féminin ultracontemporain (le cœur et le corps violemment brouillés – mix de sentimentalité et d’éclairs trash, autorité de l’humeur capricieuse) mais avec un sens de l’humilité (on adore ces moments où l’héroïne s’incline devant l’inexorabilité du monde) et surtout un sens de l’écriture, visuelle et scénaristique, qui l’éloignent instantanément de l’esprit brouillon ambiant.
Comment faire rire avec le gag d’une fille qui envoie pour la première fois des SMS, par exemple ? Comment faire rire avec le gag d’une fille qui dort sur un matelas de fortune ? Comment faire rire avec le gag d’une fille qui doit donner son nouveau numéro de téléphone ?
On vous laisse découvrir ça en regardant le film : l’esprit méticuleux règne.
Surprise, une vraie et une belle. Le fil primesautier se noue avec un fil ésotérique qui est comme une tradition cachée du cinéma français et son venin tranquille (cf. la moustache de Delahaye, l’âne de Rouge-Gorge chez Zucca, le bandeau sur l’œil de Li per li de Pierre Léon, etc.).
Notre héroïne trouve refuge chez une cousine mi-bougonne mi-romanesque, jouée excellemment par Béatrice de Staël. A elles deux, elles forment un duo chipoteur et amoureux, vieilles filles sensuelles qui échafaudent des hypothèses et se disputent le confort d’un vrai lit, avec une mystérieuse histoire d’œil aveugle à la clé.
Précision de l’écriture, dimension plastique soignée, douceurs de-çi, de-là atténuant l’acidité des situations, composent une comédie hilarante et hantée.
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