Le rock et le rap, outils de subversion face aux mollahs. Une ballade ivre dans un sidérant Téhéran pop.
Tout en restant fidèle à l’esprit de ses premières réalisations, socio-politiques au sens large, filmées en roue libre dans les montagnes du Kurdistan (Un temps pour l’ivresse des chevaux…), Ghobadi a pris sa caméra HD et est sorti tourner à l’arrache dans Téhéran. Sur le papier, ça pourrait ressembler à Crossing the Bridge, panorama de Fatih Akin sur la scène musicale d’Istanbul, voire aux précédentes fictions de Ghobadi sur la musique traditionnelle. Mais c’est presque l’inverse.
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Les Chats persans est une espèce de bœuf permanent, totalement freestyle, tant musicalement que visuellement. Les tribulations (subversives) de deux étudiants, Negar et Ashkan, qui viennent de sortir de prison – donc représentatifs de la jeunesse iranienne révoltée, bien que le film ait été tourné avant les récentes émeutes. Ils font le tour de la scène underground de la capitale pour monter un groupe “indie rock” (sic), comptant par la même occasion quitter l’Iran avec des faux papiers. Donc un sujet, un ton et un style séditieux dans le contexte islamique, mais aussi international, puisque le film milite ainsi pour l’immigration illégale, bête noire des Occidentaux. Même en faisant abstraction de son contenu comme de ses implications idéologiques, Les Chats persans reste un concentré d’audace(s) et de liberté. Il a été largement improvisé, tourné sans parti pris et sans frime ; image erratique mais dans le meilleur sens du terme, c’est-à-dire inspirée ; filmage au jugé, mais toujours formidablement jugé. Au cours des pérégrinations souvent hilarantes du jeune couple de musiciens et de leur mentor totalement déglingué, on assiste aux prestations de différents groupes (étonnants pour la plupart) de tous les courants : progressif, metal (dans une ferme !), “indie”, rap (sur un immeuble en chantier). Les plus percutants et bluffants étant les plus improbables ou mystérieux (dont une chanteuse bluesy jamais montrée qui n’a rien à envier à Amy Winehouse).
Le seul leitmotiv ostensible, c’est le kaléidoscope documentaire qui accompagne chaque segment musical. Effet un peu répétitif mais au diapason de l’irrévérence globale du cinéaste, qui nous plonge dans un cinéma ivre de réel et mal élevé, dédaigneux des tabous islamistes, faisant valdinguer style et grammaire cinématographiques, mais sans jamais poser à l’esthète. D’où une impression d’équilibre et de grâce dans un navire constamment ballotté.
Sortie en salle le 23 décembre.
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