Au téléphone portable, un film fantomatique et stylé.
Jean-Charles Fitoussi aime le hasard. Ainsi, alors que certains sous-titrent leur œuvre “comédie humaine”, lui a choisi “Château de hasard”, dont ces Nocturnes pour le roi de Rome constituent le sixième opus, après Les jours où je n’existe pas ou Le Dieu Saturne. C’est en 2005 que lui est venue l’idée, après qu’on lui a prêté un téléphone portable équipé d’une petite caméra, de documenter un voyage de plusieurs mois à Rome. Réception au palais, promenades nocturnes, travailleurs au travail, foules hagardes, paysages… : rien ne semble échapper à l’oeil alerte de l’ancien assistant de Straub et Huillet.
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Hébergé à la villa Médicis, il imagine, a posteriori, une fiction capable de lier entre eux tous ces plans disparates : ce sera l’histoire d’un vieux musicien allemand, convoqué à la cour du roi de Rome pour lui composer quelques “nocturnes”, ces pièces musicales de courte durée, lentes et mélancoliques ; mais, assailli par le souvenir d’une femme aimée (avec un procédé de surimpressions un brin éculé…), tourmenté par des réminiscences de guerre et comme hébété par la danse hypnotique du réel, il se révèle incapable de composer quoi que ce soit ; et finit par mourir là, serein.
Premier constat : les images de Fitoussi sont très belles ; parfois bien fragiles sous le poids romanesque de la voix off et de la musique classique, mais toujours très belles – une gageure étant donné la faible définition du téléphone portable. Censées représenter la vision intériorisée d’un vieil homme mourant, ultimes reflux mémoriels avant trépas, ces images amniotiques ont un rare pouvoir évocateur. A la faveur du grain fluctuant, un fauteuil autour duquel rôde un chat devient ainsi un tableau de Balthus – qui fut directeur de la Villa Médicis pendant plus d’une décennie, un hasard ? –, un ballet de serveurs en costume blanc, n’osant pas regarder la caméra, lors d’une réception, se transmue en film de fantômes ou, mieux, de zombies, etc.
C’est autour de cette séquence aux serveurs, la plus longue, que se déploient d’ailleurs les plus fécondes idées du film. Fitoussi y condense en quelques panoramiques/ coups de pinceau tout le (mauvais) génie de ces images miniatures, la frénésie scopique qui les accompagne, la peur panique de rater quelque chose – comme ce regard caméra, bouleversant car fugitif, d’un enfant – et le refus, en conséquence, de couper la prise avant exhaustion du champ. Décidément, le hasard fait bien les choses.
Sortie en salle le 6 janvier.
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