Western écolo-gore malaisant, transcendé par le décor naturel du bush. Scénario
et musique Nick Cave.
Déjà un nouveau film du réalisateur de La Route, sorti il y a deux semaines ? Pas exactement. The Proposition date de 2005. C’est précisément ce film, tourné en Australie, son pays d’origine, qui a permis à Hillcoat de remonter en selle, de relancer une carrière qui s’étiolait depuis le cinglant Ghosts… of the Civil Dead (1988), puis To Have and to Hold, qui ne nous était pas parvenu. En tout cas, même si The Proposition n’a pas la force tranchante de son premier film, narrant des événements sanglants dans une prison ultramoderne, il lui ressemble plus par son extrémisme que son adaptation inconsistante du best-seller de McCarthy.
La proposition, c’est celle que fait un certain capitaine Stanley à Charlie Burns, coauteur d’un massacre sanglant dans un coin perdu d’Australie au XIXe siècle. Burns doit retrouver son frère aîné, le chef du gang, pendant que Stanley garde en otage le cadet de la famille. Un western écrit par Nick Cave, également auteur de la musique, dont la complicité avec Hillcoat remonte au moins à Ghosts… of the Civil Dead, dans lequel le musicien jouait un prisonnier destroy.
Réponse de Hillcoat à Leone, The Proposition n’a certes pas la puissance iconique de l’œuvre du maestro transalpin. Le dispositif est trop signifiant : d’un côté la violence policière, sociétale, la coercition carcérale (souvenir de Ghosts…) ; de l’autre, la sauvagerie hors-la-loi, celle du monstre, sadique et poète, et de ses frères. Personnages toujours à la limite de la caricature comique : Emily Watson, en Européenne trop délicate ; Danny Huston, à peine convaincant en grand méchant outlaw ; John Hurt, ridicule en chasseur de primes cultivé. Heureusement, le substrat documentaire permet de relativiser ces excès dramaturgiques. C’est au-delà des personnages, du genre et de la reconstitution (impeccable de patine) qu’on trouve la force et la spécificité du film, qui est d’être envahi, contaminé par le réel. Ce western aussie (australien) est parasité par l’esprit du bush, le souffle primitif du monde aborigène. La figure-repère dans ce domaine étant l’incontournable David Gulpilil qui, depuis 1971, depuis Walkabout de Roeg, joue dans tout film australien comportant des aborigènes. L’autre facteur de déstabilisation du scénario est l’atmosphère, au sens littéral : la chaleur infernale (qualifiée de “fresh hell” par Stanley) du désert australien semble peu à peu liquéfier les intentions psychanalytiques de Cave.
Il en résulte un western halluciné, cramé par la lumière – voir la séquence où le bandit fixe, hypnotisé, le coucher du soleil avec son frère –, bouffé par la poussière, le désert, les rochers. Une intéressante mixture gore/écolo/new-age. Donc, malgré ses scories, The Proposition dégage une sorte de beauté crépusculaire, malade, qui manquait à La Route. Hillcoat aurait dû rester en Australie.