Un premier film australien étonnant sur deux ados aborigènes. Caméra d’or à Cannes cette année
Delilah, une adolescente aborigène, vit et travaille avec sa grand-mère dans une petite communauté. Samson, lui, ne fait rien, sinon sniffer du pétrole du matin au soir, parce qu’il n’a rien d’autre à faire. Mais il est amoureux de Delilah, et il est patient. Quand la vie devient infernale pour Delilah, ils partent ensemble pour la ville. Où ils découvriront que la vie est encore plus cauchemardesque que chez eux.
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Il y a des films qui vous étonnent, et c’est le cas du premier long-métrage de Warwick Thornton, Caméra d’Or cette année à Cannes. Mais tentons de dépasser cette première impression et de percer un peu une part du mystère de ce Samson & Delilah. Certes, il y a le sujet : vue de l’intérieur, la vie des aborigènes aujourd’hui en Australie, ou plutôt leur sort. Sur ce plan-là, Thornton ne tourne pas autour du pot, ne se gratte pas le nez avant de choisir quelle position adopter, et montre sans prendre de gants une société qui a tout simplement rejeté ses premiers habitants, les colonisés, et les a condamnés à vivre en retrait du monde, loin, là où l’on n’a plus à les voir, dans le désert, dans des conditions indignes. Ils n’ont plus qu’à se faire exploiter par le premier petit blanc venu qu’il soit petit commerçant ou marchand d’art – et même s’il semble que les autorités et la nation australiennes, depuis un ou deux ans, aient décidé qu’il était temps de mettre fin à cette situation.
On peut également être sensible à l’histoire du film, à cette histoire d’amour quasiment muette (les personnages parlent extrêmement peu) entre deux adolescents perdus : on a le droit de pleurer ! Mais le secret (si jamais c’en est un) du film est véritablement ailleurs, dans le sentiment très exaltant et revigorant que nous sommes en train de découvrir un nouveau cinéaste, un type qui a un regard à nul autre pareil, qui sait nous le faire partager, et en lequel nous nous reconnaissons. Samson & Delilah, comme la plupart des premiers films, montre de temps en temps de petits défauts, des petites facilités d’écriture (le personnage de la grand-mère) qui devraient nous paraître rédhibitoires. Mais que pourtant nous nous empressons d’oublier, parce que l’essentiel est ailleurs, parce que la concentration et le souffle de la mise en scène balaient tous nos a priori sur leur passage, parce que le film est supérieur à ses moindres détails. Il y a un côté rock très fort chez Thornton, un grand talent à allier la musique au ximages, ce qui est, contrairementr ce que l’on pourrait croire, très rare. Mais il a aussi la Ford attitude, un sens très fort de la communauté, mais aussi de la possibilité du bonheur, malgré tout, après les échecs, après les batailles et les morts. Et la fin, si inattendue, est un refus de tous les clichés misérabilistes : elle exprime l’espoir désespéré dans un avenir meilleur.
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