Confus, simpliste, ambiguë, le cinéma de contestainment de Michael Moore est assez amusant.
Comme souvent chez Michael Moore, on trouve à boire et à manger dans son nouveau film : de la confusion politique, un peu de populisme, de la manipulation, des facilités, mais aussi de l’humour, quelques informations et quelques vérités. Une chose est sûre, malgré tout ce qui peut agacer chez lui, on ne s’ennuie pas. Dans ce nouveau volet des aventures de notre Robin des Bois moderne, on prendra un cours accéléré sur l’histoire du capitalisme et on plongera au cœur de la crise économico-financière qui secoue le monde depuis un an et demi. Sur le plan historique, Moore ne nous apprend rien de neuf mais met en exergue le point de bascule déterminant de l’évolution du capitalisme : ce moment où, il y a trente ans, Reagan a mis le paquet sur la spéculation financière et le tout-marché libre au détriment de l’économie réelle et des emplois. Moore montre une image d’archives saisissante où le boss de la compagnie financière Merrill Lynch presse le président Ronnie de terminer un discours : tout un symbole. Mais Moore reste très imprécis sur la dénomination des grands concepts : il confond allègrement capitalisme et libéralisme, qui ne sont pas exactement la même chose.
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Ainsi, quand il donne en exemple des pays tels que la France, l’Allemagne ou le Japon qui se sont dotés d’un système de protection sociale, il cite des sociétés fonctionnant selon un capitalisme régulé, contrôlé par la puissance étatique, respectant un certain équilibre entre l’intérêt général et le marché. Le problème, c’est la dérégulation, plutôt que le capitalisme en soi, qui a plutôt fonctionné correctement pendant les Trente Glorieuses, quand il était encadré par le politique.
Moore est meilleur quand il filme les quartiers fantômes dévastés par la crise, les rues désertes, les maisons vidées de leurs habitants expropriés. Mais il cède à un sentimentalisme facile en collant aux basques de familles expulsées. Moore est bon aussi quand il nous apprend que certaines entreprises prennent des assurances vie pour leurs salariés à leur insu : quand l’un décède, la boîte touche le pactole ! Un hallucinant degré de marchandisation de l’humain.
Quand notre trublion se pointe devant les sièges des grandes banques pour leur demander de rembourser les milliards envolés de la crise ou prêtés par le gouvernement (donc les citoyens) ou qu’il enveloppe ces bâtiments avec le ruban jaune et noir “scène de crime”, c’est de l’agit-prop rigolote, qui ne va pas loin mais qui exprime quelques belles vérités.
Michael Moore ne fait pas le cinéma politique le plus fin et rigoureux : en cédant souvent aux effets de montage faciles ou aux démonstrations grossières, il semble aussi oublier que le capitalisme lui permet d’entretenir sa petite entreprise de spectacle florissante. Mais ses films ont peut-être le mérite d’agiter plaisamment le débat et d’éveiller la conscience d’une part du public essentiellement “informée” par les grands networks télévisuels. Le contestainment de Moore est une réponse à l’infotainment.
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