Mix entre film familial de Noël et délire numérique au bord de l’expérimental. Malaisant et bizarre.
Enième adaptation du Christmas Carol de Charles Dickens, Le Drôle de Noël de Scrooge raconte la mise à l’épreuve par trois fantômes d’un vieil acariâtre dans le Londres victorien, et prouve, une fois de plus, que Zemeckis est un drôle de cinéaste. Jamais en retard d’une trouvaille high-tech, le réalisateur de Forrest Gump s’est engagé depuis 2004 (Le Pôle Express, puis La Légende de Beowulf en 2007) dans la voie du “cinéma virtuel”, celle-là même que James Cameron promet de révolutionner avec Avatar dans quelques semaines. Soit la disparition de la caméra, remplacée par une batterie d’électrodes situées sur le corps et le visage des comédiens (performance capture), ainsi qu’une armée de processeurs traduisant leurs mouvements et les insérant dans un univers de synthèse, en 3D. Ce n’est donc plus la caméra qui filme le monde (réel ou sur fond bleu), mais le monde qui tourne autour du corps d’un acteur-roi, délié de toute contrainte spatiale et temporelle. Paradoxe : le jeu de l’acteur devient roi (contrairement à l’animation 3D classique) alors que lui-même disparaît sous un masque numérique. Un masque qui permet par exemple à Jim Carrey de jouer sept personnages, sans qu’un seul n’ait son “vrai” visage ; seules quelques expressions et mimiques – ainsi qu’une voix, évidemment gâchée par la VF – sont garantes que le cachet payé ne l’a pas été pour rien. Le star system est sauf, le spectateur rassuré.
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Et alors, dira-t-on ? Alors, c’est bien à cet endroit que Scrooge fascine en premier lieu. Faisant fi du lissage artificiel de ses précédents films, Zemeckis a accentué les défauts de ses pantins de chair numérique. La peau est sale et crevassée, les yeux striés de veinules et les joues teintées de rougeurs disgracieuses, conférant aux personnages un aspect malsain (un monde peuplé d’alcoolos ?), qui contraste avec la mièvrerie de l’histoire. Au-delà, c’est le film dans son ensemble qui semble crevassé : les scènes, peu découpées et filmées dans des angles impossibles, se succèdent selon un rythme bancal ; le décorum ploie sous les ors de la 3D ; et les dialogues de Dickens, respectés à la lettre, rendent la compréhension ardue pour les enfants. Tout ceci concourt à faire de Scrooge un film très fragile dans une gangue de blockbuster Disney, un sommet de mièvrerie malade dont la beauté paradoxale ne se goûte qu’au risque de l’indigestion.
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