Formidable trilogie policière située au nord de l’Angleterre pendant les années de plomb anglaises. Sobre, glauque et violent.
Tirée du Quatuor du Yorkshire, tétralogie à la Ellroy de David Peace, The Red Riding est devenue une trilogie télévisuelle. Une minisérie qui est plus à sa place dans les salles obscures. C’est précisément grâce à son économie (de moyens) télévisuelle que la trilogie tranche avec les habitudes. Dans Red Riding, on fait tabula rasa des affèteries du polar britannique, remplacées par une approche fruste, un style proche du troublant The Offence de Sydney Lumet. Un film de référence pour la production : “L’austérité de ses décors et extérieurs reflète parfaitement cette époque. Nous avons décidé de nous en inspirer et de travailler selon le principe que moins il y en avait, mieux c’était”, explique la productrice Anita Overland. La réussite de cette trilogie où “less is more” tient aussi à son sujet : en gros, la corruption policière à grande échelle au nord de l’Angleterre, au moment où des séries de meurtres défrayaient la chronique (comme dans l’affaire de l’éventreur du Yorkshire). The Red Riding est un tableau au vitriol de l’Angleterre thatchérienne, où le marasme social et politique atteignait son paroxysme.
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Les trois films, sous-titrés comme les romans, 1974, 1980 et 1983 (seul 1977 n’a pas été adapté), ont été tournés par des réalisateurs différents avec des techniques distinctes (super-8, 35 mm, vidéo numérique), mais présentent une remarquable unité de lieu, de ton et d’ambiance. Chaque épisode a son héros, dont la fonction confère au récit une tonalité particulière : Eddie Dunford, jeune reporter du Yorkshire Post (1974) ; Peter Hunter, inspecteur de Manchester (1980) ; John Piggott, avocat miteux (1983)…
Mais 1974 et 1983 sont les volets d’une même enquête ; le second apportant des réponses aux disparitions de fillettes dans le premier. Tandis que 1980 a comme arrière-plan la recherche de l’éventreur. Dans cet épisode mélancolique – moins axé sur la démonstration que sur le creusement d’une situation instable jusqu’au malaise –, l’intransigeant Peter Hunter, flic discret et intègre, est l’inverse du journaliste Eddie Dunford à la dégaine de rock-star.
1980 joue sur des demi-teintes à la Simenon, avec des hôtels glauques, des personnages hâves et dépressifs ; voir les relations mitigées de Hunter avec son épouse et sa morne liaison avec son adjointe, soldée par un avortement.
1983 est moins singulier car il se coltine le sale boulot de résoudre les énigmes amorcées dans le foutraque 1974 (où le jeune Dunford est un vrai punching-ball humain). En même temps, s’il manque à 1983 le glacis atmosphérique de 1980 ou la folie de 1974, il a le mérite d’ajouter une facette musicale à la morosité : celle de la northern soul, incroyable revival du R&B des années 60, flamboyante échappatoire à la déliquescence du Nord. La beauté de Red Riding réside dans ces innombrables détails vernaculaires grâce auxquels le cinéma de genre s’élargit au portrait de toute une société.
1974 de Julian Jarrold ; 1980 de James Marsh ; 1983 d’Anand Tucker
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