Un beau mélo moderne, qui mêle angoisse et sentiments avec classe.
Wang Chao change de registre avec brio. En quelques films il sera passé du sous-prolétariat (L’Orphelin d’Anyang) à la bourgeoisie aisée, du néoréalisme au soap opera, s’emparant d’un genre et d’une esthétique remontant aux années 1950, où fleurissaient feuilletons sentimentaux, mélos sirkiens et romans-photos. Modernité glacée et tourments romanesques y faisaient bon ménage dans des décors stylisés, souvent cliniques, reflets du renouveau industriel de l’après-guerre (même Antonioni s’inscrira dans ce courant et le prolongera de façon saisissante). Les professions libérales, et en particulier médicales, étaient aux premières loges dans ces récits où les souffrances de l’âme avaient pour corollaire évident celles du corps. C’est exactement cette voie que Wang Chao emprunte ici. He Sizhu, femme de Li Xun, a eu un grave accident d’auto avec son amant. Ils ont été transportés dans un hôpital où, comme par un fait exprès, Li Xun est chirurgien. C’est lui qui sera chargé d’opérer son rival accidenté, pendant que son confrère et ami s’occupera de He Sizhu, plus mal en point. Une des séquelles de l’accident de son épouse sera une amnésie partielle ; tous ses souvenirs récents ont été effacés, y compris sa relation adultérine. Li Xun s’efforce alors de reconquérir sa femme en tentant, avec précaution, de lui faire recouvrer la mémoire. Bref, l’équivalent, versant drame, de la comédie du remariage. Son principe – on efface les erreurs passées et on recommence à zéro – rappelle par la même occasion celui d’Un jour sans fin (sans le postulat fantastique). Li Xun replace sa femme dans les lieux et situations où ils se trouvaient aux prémices de leur amour, trois ans plus tôt… Sans user d’artifices narratifs ou techniques, le cinéaste tisse une intrigue obsessionnelle rejoignant certains schémas hitchcockiens fondés sur le trauma et le ressassement de ce trauma (Marnie, Vertigo, etc.). Si le but ultime de Wang Chao n’est pas de jouer avec les nerfs du spectateur, et si la nostalgie romantique l’emporte sur l’aspect baroque du thriller et du mélodrame, l’atmosphère du film s’en approche beaucoup. C’est dû en partie à un travail très particulier sur la lumière, aux tonalités froides et bleutées qui nimbent cette histoire de résurrection (sociale, amoureuse) d’un voile d’anxiété aussi indéfinissable qu’envoûtant.
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