Le prestigieux label anglais Warp, maison mère d’une électronique sans compromis, fête ses vingt années d’activisme avec des concerts à Paris. Retour sur une prodigieuse aventure, partie de Sheffield pour bouleverser à tout jamais l’électro mondiale.
Warp Records fête cette année vingt ans de coup d’état permanent. Grâce au label de Sheffield, ce sont plusieurs générations de rave kids et d’amoureux de musiques chavirées qui se retrouveront les 8 et 9 mai à la Cité de la musique, à Paris (voir encadré). Une histoire démarrée dans un entrepôt et avec un manque de pot : Thatcher était aux commandes du pays.
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Sheffield, 1987. La ville, qui a prospéré grâce à l’invention de l’acier inoxydable jusqu’à devenir l’un des plus importants bassins sidérurgiques du nord de l’Angleterre, subit depuis les années 60 d’importantes secousses liées à la désindustrialisation. D’un passé prospère ne subsistent plus qu’un paysage de métal, de vastes espaces à l’abandon et surtout des forges gigantesques qui enserrent la population. Avoir 20 ans à Sheffield sous le règne de Margaret Thatcher, c’est rentrer dans la résistance et danser jusqu’à l’épuisement pour oublier la grisaille.
[attachment id=298]L’Angleterre n’a jamais autant dansé qu’à cette époque-là. Steve Beckett et Rob Mitchell sont les agents actifs de cette scène rave balbutiante qui investit bientôt les friches industrielles alentours. Alors que Madchester et son hédonisme se profilent, les deux compères se passionnent pour l’acid-house robotique, la techno froide et syncopée en provenance de la côte Est américaine et les accents combatifs professées par Underground Resistance (collectif techno mythique de Detroit).
Steve Beckett et Rob Mitchell créent leur boutique de disque (FON, pour Fuck Off Nazis !) dans un hangar désaffecté afin de propager la bonne parole acid-house, qui commence à incendier toute l’Angleterre. Steve Beckett se souvient : “Nous voulions prolonger l’esprit des raves, dans lesquelles nous nous rendions tous les week-ends. Nous aimions avant tout faire la fête et les gamins du coin venaient s’échanger des cassettes chez nous. Un jour, nous étions en voiture avec Rob, et il me dit “tiens, on devrait lancer un magazine”. Et là, je lui réponds du tac au tac, “pourquoi pas un label ? ». En 1989 naît donc Warp Records (pour Weird And Radical Projects), un acte fondateur de la contre-culture européenne.
Pour leur premier maxi, qu’ils distribuent eux-mêmes à la fin de l’été 1989, Mitchell et Beckett optent pour le très acid Track With No Name de Forgemasters : on y retrouve l’anonymat guerrier défendu par le sombre héros Mad Mike et l’ombre de ces forges qui rythment la vie de Sheffield. La pochette, mauve, de ce premier EP est conçue par The Designers Republic, un studio de Sheffield qui se distingue par le détournement d’esthétiques industrielles (qualifié parfois d' »hypermoderniste ») et avec qui Warp débute une longue relation.
La scène rave du Nord de l’Angleterre restera longtemps marquée par ce goût du mystère et la radicalité. LFO (pour Low Frequency Oscillator), la façade choisie par Marc Bell et Gez Varley, offre en 1990 le premier hit de Warp, avec 130 000 singles vendus. Le duo invente avec ce single LFO un nouveau genre, mélangeant des basses surpuissantes, des pulsations acid-house et une techno vrillée (“bleep”) qui fait le lien avec le hip-hop américain.
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