Les témoignages croisés d ‘un soldat Tsahal et de sa petite amie, qui ne supporte pas qu’il ait tué.. Très fort.
On a tendance à ne considérer que l’aspect politique du cinéma d’Avi Mograbi, alors qu’à chaque film (Comment j’ai appris à surmonter ma peur et à aimer Ariel Sharon, Pour un seul de mes deux yeux) le réalisateur israélien tente de remettre en question les formes habituelles du documentaire disons “journalistique”.
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Dans Z 32, Mograbi se pose deux problèmes de cinéma. Il a rencontré un jeune homme qui s’est enrôlé dans les commandos d’assaut de Tsahal et qui a participé un jour à une opération de représailles chez les Palestiniens. Ce jeune homme a une petite amie, qui ne supporte pas les crimes qu’il a commis. Ils vont tous deux témoigner face à la caméra. Mais comme ils ont peur, ils demandent de le faire à visage couvert. C’est la première contrainte qui s’impose à Mograbi : comment réaliser un long métrage avec deux personnages sans visage ? Pour le moment, il se contente classiquement de flouter leurs traits.
Deuxième problème : comment éviter que leur témoignage ne verse dans le pathos, dans le sensationnel brut ? Mograbi a une idée : interrompre régulièrement le témoignage très dur du jeune soldat par des scènes chantées, une sorte de chœur antique qui viendrait analyser la guerre, le crime, le cinéma politique ; un récitatif d’opérette qui vient rompre l’émotion, créer de la distanciation. Une bonne idée, qui dans les faits s’avère un peu pénible, un peu trop distrayante, narcissique et fantaisiste par rapport au récit du militaire.
Voilà Z 32 : d’un côté un jeune homme qui tente de se justifier auprès de son amoureuse, et qui attend qu’elle le comprenne et lui pardonne (il ne réclame aucun pardon de ses victimes…), de l’autre un intellectuel de gauche qui veut que le spectateur reste maître de sa pensée. Mais l’histoire du floutage continue à déranger Mograbi, alors il a une vraie idée de cinéaste : le flou se modifie peu à peu. Plus le témoin et son amie parlent, plus leurs traits se précisent. Plus il semble évident qu’il n’a aucun regret, sinon celui de faire de la peine à celle qu’il aime, bref plus leur couple est impossible, leurs positions irréconciliables, plus le flou laisse place à des traits humains dessinés numériquement.
Le long silence qui s’instaure à un moment entre les deux amoureux en dit plus que tous les chants de music-hall. Grâce à leurs masques digitaux, les deux amants perdent toute identité, toute nationalité, et deviennent universels : ce qui s’exprime alors, c’est l’impossible accord entre celui qui a un jour pris son pied à massacrer et celle qui ne peut accepter que celui qu’elle aime ait pu un jour se comporter en criminel. Une tragédie moderne.
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