Documentaire dense et stimulant autour de l’œuvre et du discours parfois problématiques du cinéaste.
A l’origine de ces Morceaux de conversations, il y a la réaction de Godard au refus du Collège de France d’accepter sa proposition de cours. Le cinéaste décide alors de faire réaliser neuf films, coproduits par Le Fresnoy et tournés par son directeur Alain Fleischer, montrant ses discussions avec les étudiants de cette école et d’autres interlocuteurs qu’il a choisis (André S. Labarthe, les Straub-Huillet). Le projet évolue et se destine à devenir une exposition pour le Centre Pompidou, dont on sait qu’il ne restera que des ruines.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Filmé au travail, chez lui à Rolle, Godard révèle certaines étapes de son élaboration de Collage(s) de France et revient aussi, avec Jean Narboni, sur des points de son œuvre jugés, à juste titre, problématiques : ses considérations très gênantes sur les Juifs, notamment ce passage de Notre musique où il associe leur arrivée en Palestine, en 1947, à de la fiction, et la noyade de Palestiniens prenant la fuite au même moment à du documentaire. Fin dialecticien, Narboni pousse Godard dans ses retranchements, et, mine de rien, parvient la plupart de temps à ébranler son jeu rhétorique. JLG finit par confier que c’est quand le doute arrive qu’il a besoin de parler. Hélas, ses propos freinent par moments toute interrogation pour se présenter comme une armure, voire une arme destructrice : tuer le sens, se tuer, comme dans Notre Musique avec cet attentat suicide aux livres. Le geste est révélateur, et en dit long sur le romantisme godardien.
Ce documentaire dense et stimulant mesure autrement le dialogue entre deux éléments et leur éventuelle rencontre : celle impossible entre un désir de cinéma et sa réalisation (ce projet d’exposition échoué), celle difficile et passionnante entre un cinéaste et des étudiants, celle brûlante entre un artiste et l’histoire. Des équations aléatoires, tragiques ou magiques, qui rendent bien compte de cette aspiration vers un monde de combinaisons, de relations d’un Godard qui parle en pleurant de ses amis imaginaires, de grands mathématiciens, Abel et Galois, qui ne furent pas reconnus en leur temps.
{"type":"Banniere-Basse"}