Après un hommage aux îles Orcades, le supergroupe britannique The Magnetic North revisite les souvenirs d’enfance de son guitariste sur des symphonies folk majestueuses.
La huitième chanson du nouvel album de The Magnetic North allie orchestrations soignées et arrangements venus de l’electro. Bizarrement, ce délice de délicatesse s’intitule Cergy-Pontoise. Quand on leur demande ce qui leur est passé par la tête, le guitariste Simon Tong (qui a aussi joué avec The Verve, Gorillaz, Erland & The Carnival et The Good, The Bad & The Queen) sort de son silence renfrogné pour justifier ce choix :
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“La ville où j’ai grandi, Skelmersdale, est jumelée avec Cergy-Pontoise. Quand j’étais petit, je regardais ce nom de ville sur des panneaux et je rêvais de cet endroit magique où je n’ai jamais mis les pieds !”
Depuis, le mythe s’est effondré et ils sont bien conscients de ce décalage avec la réalité.
“C’est justement notre propos, précise leur chanteur jovial Erland Cooper (vaillant leader d’Erland & The Carnival). Skelmersdale n’est pas un endroit qui fait fantasmer.”
Construite dans les sixties pour désengorger Liverpool, cette ville nouvelle n’a pas connu le développement espéré, sombrant rapidement dans la morosité économique et sociale pendant les années Thatcher. Pourtant elle connaît dans les années 80 un rebondissement surprenant en devenant le quartier général d’une communauté de méditation transcendantale, dont faisait partie la famille de Simon Tong. Comme son titre l’indique, Prospect of Skelmersdale, le deuxième album de The Magnetic North, se concentre sur cette ville et les souvenirs d’enfance qui y sont liés.
Ce n’est pas la première fois que le trio compose un album en s’inspirant d’un lieu précis. Leur premier album, sorti en 2012, rendait hommage aux Orcades, archipel écossais où Erland Cooper a passé toute sa jeunesse. Imbibée de brume et d’orchestrations hantées, leur musique s’adaptait à merveille à ces îles sauvages, battues par les vents et les tempêtes venues du nord. Ils prolongent ce concept sur Prospect of Skelmersdale, sauf que la géographie a radicalement changé. La désolation ne vient plus de la nature mais d’un paysage urbain austère. Le processus d’écriture a aussi évolué.
“Nous sommes tous les trois des touche-à-tout, des multi-instrumentistes, explique Erland, mais cette fois on a essayé de composer quelque chose qui fonctionnerait si on le jouait simplement nous trois, avant d’y ajouter quoi que ce soit d’autre.”
Hannah Peel, chanteuse et compositrice irlandaise qui constitue le troisième pilier du trio, rebondit sur cette idée :
“Avant, il y avait déjà une ébauche solide au moment où j’arrivais pour ajouter des cordes, des cuivres et ma voix. Pour ce nouvel album, notre approche était davantage dans la collaboration et dans l’audace.”
Le concept de l’album n’est pour eux qu’un point de départ pour créer. Ils aiment beaucoup l’idée que l’on puisse apprécier leur musique en ignorant toute l’histoire qui les a conduits là. La réussite de ce projet, c’est justement de dépasser le cadre fixé au départ pour atteindre l’émotion pure. Avec leurs pochettes en noir et blanc, ces albums contemplatifs plongent dans le même état d’esprit que la musique de Girls In Hawaii ou Bill Ryder-Jones, entre nostalgie et lumière. Derrière le décor urbain de son dogme d’origine, le groupe parvient à évoquer des endroits bucoliques (A Death in the Woods, Sandy Lane). Ce désir d’expansion se retrouve dans leur tourbillon de styles musicaux. Ils prennent un malin plaisir à confronter le folk acoustique à des tornades d’orchestrations et à des effets spéciaux hérités de l’electro.
“Les cuivres étaient plus adaptés au thème marin de notre premier album, analyse Hannah. Pour évoquer Skelmersdale, on a pris en compte l’utopie de sa création et ses liens avec la méditation et ça nous a fait penser aux émissions télé des années 70 et 80, avec beaucoup de cordes et d’instruments à vent qu’on retrouve aussi dans Kes, le film de Ken Loach. On a essayé de trouver un équilibre entre tout ça, l’electro et nos voix, pour illustrer l’attitude optimiste des seventies.”
Aussi à l’aise dans la mélancolie feutrée que dans les envolées grandioses, The Magnetic North confirme son statut de supergroupe, au sens propre comme au sens figuré.
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