Torses bombés et guitares droguées, les Anglais de Kasabian s’offrent un road-movie à forte teneur tarantinesque.
[attachment id=298]Sur leurs deux albums précédents, les lads de Leicester avaient choisi une pochette illustrée sobrement et un titre en un seul mot. Rien, dans ce dépouillement traître, ne laissait présager l’avalanche d’effets qui les agitait. Avec un culot plutôt courant chez les groupes outre-Manche, Kasabian s’est ainsi imposé par la force, en dynamitant les riffs de Led Zeppelin, les beats baggy des Happy Mondays et les tubes fédérateurs d’Oasis.
Pour déroger à la règle, la pochette de ce troisième album ne trompe pas sur la marchandise. Il y a d’abord ce titre tarabiscoté, West Ryder Pauper Lunatic Asylum, dans la même tradition psychédélique que Their Satanic Majesties Request, qui illustre une pochette tout aussi déjantée. Les quatre garçons, pour la première fois en photo sur leur album, n’ont pas lésiné sur le budget costumes et accessoires, et semblent aussi toqués que le chapelier d’Alice au pays des merveilles. “Après avoir tourné pendant presque quatre ans, on a pris du recul, raconte Sergio Pizzorno. Pendant cette pause, j’ai regardé des films d’Alejandro Jodorowsky comme La Montagne sacrée, une liberté absolue, des expérimentations osées… Ce film a affranchi mon inspiration.”
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Kasabian décide donc de quitter les autoroutes goudronnées, voire mazoutées, pour s’aventurer dans des chemins de traverse, plus poussiéreux. Si l’album commence avec le rouleur compresseur Underdog, assez typique des hymnes crâneurs et conquérants qui ont bâti la gloire des gouapes, le reste s’avère parfois casse-cou, comme l’épileptique Vlad the Impaler, où on croirait entendre les Beastie Boys en plein trip. Autre surprise de taille, Kasabian range ses guitares métallurgiques au placard, temporairement, pour s’essayer à la ballade délicate, aux choeurs gazouillants (Thick As Thieves, Happiness).
Au volant dans ce roadmovie, le producteur Dan The Automator (Gorillaz) laisse de grosses traces de pneus. En bon sorcier, il jongle avec des arrangements sophistiqués et apporte un nouveau souffle à un son autrefois claustrophobe. Mais la véritable alchimie se produit au sein du groupe, quand deux personnalités complémentaires entrent en collision : d’un côté Sergio Pizzorno, songwriter discret et pourtant capable de composer des chansons coup de poing ; de l’autre Tom Meighan, chanteur au charisme flamboyant qui incarne à lui seul leur démesure attachante.“Je ne supporte pas ces chochottes qui doutent d’eux-mêmes, qui regrettent leurs premiers disques. Bien sûr, quand je réécoute les nôtres, je vois certaines imperfections, mais on a fait de notre mieux à ce moment-là. Ça ne sert à rien d’avoir des regrets. Si tu n’as pas une confiance aveugle en ce que tu fais, personne d’autre n’en aura.”
Kasabian aime regarder dans le rétroviseur des sixties aux nineties, mais le groupe roule désormais droit devant, sur un sentier cahoteux, sans frein ni airbag.
Album : West Ryder Pauper Lunatic Asylum (Columbia/Sony Music)
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