Nouveau délire de la bande Apatow : un film d’acteurs et d’amitié au milieu des vapeurs de marijuana.
Délire Express clôt, jusqu’à nouvel ordre, la mirifique salve tirée par Judd Apatow en cette année 2008, qui l’aura vu crédité aux génériques de six films (dont Sans Sarah, rien ne va !, Rien que pour vos cheveux, Frangins malgré eux…) plus ou moins bons, mais dessinant les contours d’une œuvre extrêmement cohérente. Il y avait quelque risque à placer tant d’espoirs dans cet ultime opus, supposé sceller l’alliance entre un “auteur-un-vrai” (David Gordon Green) et une confrérie jusqu’alors connue pour son sens de l’effacement individuel au profit du collectif.
Espoir, il faut bien le reconnaître, un tantinet déçu, tant le prodigieux lyrisme à l’œuvre dans George Washington ou L’Autre Rive, précédents films du réalisateur, semble ici éteint, à l’exception d’une belle et courte échappée sylvestre. Le reste du temps, le réalisateur se contente de filmer en champ-contrechamp les brillants dialogues écrits par Seth Rogen et Evan Goldberg (déjà scénaristes de SuperGrave) et s’embourbe régulièrement dans de criardes scènes d’action – drôles seulement une fois sur deux. David Gordon Green ne sera donc pas parvenu à fleurir de son style incandescent la maison Apatow. Mais celle-ci en a-t-elle nécessairement besoin ? Rien n’est moins sûr.
Délire Express constitue ainsi, malgré ses quelques faiblesses, une resplendissante brique dans l’échafaudage du maître, prolongeant la plupart des lignes connues (primat de l’amitié, besoin impérieux de grandir sans renier sa part adolescente, coolitude West Coast) sans jamais tomber dans la facilité qui guette un système désormais bien établi. Le film séduit avant tout par sa capacité à habiter au mieux, c’est-à-dire au plus près des affects, un genre a priori ringard, la comédie d’action eighties (type Flic de Beverly Hills ou 48 heures), mâtinée de stoner (le Pineapple Express du titre original est une variété de marijuana que les protagonistes fument continuellement).
Joie, ainsi, de retrouver, au milieu de seconds rôles attachants, deux acteurs de la bande au meilleur de leur forme : Seth Rogen, en huissier obligé de se déguiser pour remettre des assignations en justice – le film ne commence d’ailleurs qu’une fois les déguisements abandonnés, façon d’affirmer d’emblée la nudité du comique selon Apatow ; et James Franco, en dealer inoffensif et rêveur, comme si son bouleversant personnage de lycéen marginal dans Freaks and Geeks venait nous donner des nouvelles, huit ans après.
Mais c’est surtout Danny McBride – nouveau comique aperçu en camionneur beauf chez les Farrelly (La Femme de ses rêves), en artificier allumé dans Tonnerre sous les tropiques ou dans un précédent film de Green (le somptueux All the Real Girls) – qui impressionne, électrisant par ses punchlines agressives et son flow assassin les quelques séquences où il est convoqué. Film d’acteurs, à défaut d’auteur, Délire Express offre à ces derniers, dans l’ultime scène du film, une poignante déclaration d’amitié qui synthétise, à elle seule, toute la beauté du cinéma d’Apatow. Et compagnie.
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