Revenu de ses chroniques du mal-être universitaire, Emmanuel Bourdieu s’enlise dans un jeu un peu vain avec les codes du feuilletonesque bling-bling.
Le dernier film d’Emmanuel Bourdieu commence comme une série américaine des années 80 (Côte Ouest ? Dallas ?). Une jeune femme fatale (Natacha Régnier, mi-Alice Taglioni, mi-Sue Ellen) entre dans l’entreprise de son père d’un pas déterminé, vêtue d’une robe de soirée rouge vif, un peu déplacée pour un pot anodin organisé en plein jour avec les cadres de la boîte de papa. La belle blonde à la tignasse de lionne jette immédiatement son dévolu sur une faible proie masculine, l’emmène chez lui et le mange tout cru. Suite à cette coucherie a priori sans lendemain, le malheureux François, amoureux d’une autre femme, se retrouve pris dans une drôle de spirale : son patron tyrannique lui impose d’épouser sa fille, qu’il aurait engrossée et lui propose, en contrepartie, une promotion très avantageuse.
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A la façon dont ce couple père-fille, visiblement dégénéré, nous est présenté, on anticipe déjà dans notre petite tête perverse de spectateur une suite machiavélique : et si la carnassière Pauline mentait sur sa grossesse pour faire pression et posséder au plus vite son jouet humain… Il n’en sera rien, mais cet emballement est révélateur de la façon dont Emmanuel Bourdieu joue avec certains archétypes feuilletonesques – soit la peinture d’un “univers impitoya-a-bleuh” mêlant dans un mouvement de surenchère permanent fric, pouvoir et sexe – pour ouvrir des perspectives imaginaires qu’il s’amuse à tendre tout au long du film comme de véritables pièges. Le pire ne s’avère finalement pas où on l’attend mais naît de la façon dont les personnages devancent, comme nous, la réalité et la transforment alors pour se perdre dans des fictions personnelles. Ainsi, ce père possessif et autoritaire, que l’on imagine jouer un rôle important dans l’intrigue criminelle qui suivra, s’efface au fil du film et influence son cours bien plus à travers les craintes, les fantasmes qu’il suscite chez sa fille, qu’à travers ses actes. Le projet d’Intrusions de pousser à bout un certain ordre fictionnel et social établi a tout pour séduire. Hélas, le film, affaibli par un rythme mou, ne va pas assez loin dans l’outrance pour servir complètement ses ambitions. Il ne décolle vraiment que lors de la scène finale (comme s’il avait été entièrement conçu pour ce moment-là), d’influence buñuelienne, qui orchestre une jouissive inversion de rôles ; Amira Casar est très drôle en soubrette lubrique transformée en maîtresse de maison.
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