Généreux et cocasse documentaire sur un cinéaste amateur bricolant ses propres films. Le « Soyez sympas, rembobinez » tunisien.
On ignore si Michel Gondry a jeté un œil sur VHS Kahloucha, qui, bien qu’antérieur, est la version “suédée” de son Be Kind Rewind : on y trouve les mêmes films bricolés entre copains, l’idée charmante selon laquelle la VHS serait l’avenir de la vidéo – le Blu-ray, qu’est-ce que c’est ? Sauf que VHS Kahloucha est un docu, centré sur Moncef Kahloucha, peintre en bâtiment tunisien qui produit (avec des bouts de ficelle), réalise et interprète ses propres films de genre – dont un Tarzan des Arabes. De fait, Citizen Kahloucha n’est certainement pas Welles, comme le montre une scène foutraque de poursuite, captée beaucoup mieux par l’équipe du documentaire que par l’artisan… Mais Néjib Belkadhi ne prend jamais de haut son sujet. Trop facile de moquer une bagarre entre “Tarzan” et un chien empaillé, ou le concept très personnel de bêtisier de tournage directement intégré dans le cours du film. Il préfère célébrer l’énergie démesurée d’un homme-orchestre à la naïveté désarmante mais rafraîchissante quant à son approche du cinéma. Pour Kahloucha, point d’effets spéciaux, il faut donner de sa personne, quitte à s’entailler soi-même et appliquer son propre sang pour figurer des blessures plus réalistes. Mais l’entreprise ne serait rien sans l’aide des amis et voisins. C’est là que, au-delà du cocasse, le film fait mouche. La fin de Be Kind Rewind célébrait très justement la communauté, mais sur un mode propret, klapischien, façon “tout le monde il est gentil dans ma rue”. Dans VHS Kahloucha, on trouve une ribambelle de personnages vraiment habités par les projets du cinéaste en herbe, parties vitales du système D : tel ouvrier consacrant un jour de congé
à un tournage, où il se fait tabasser, ou cette dame âgée voulant tourner contre la volonté de son mari. Se dessine une petite société (un quartier à Sousse, en Tunisie) où, qu’importe la qualité des films, les spectateurs adorent s’y voir, reconnaître les lieux de tournage ou pestent parce qu’ils ne sont pas crédités sur l’affiche. Il y a une belle idée un peu oubliée du cinéma qui rassemble et qui ressemble ici (sans populisme) à ses spectateurs en leur permettant de s’amuser, de s’évader ou même de rentrer chez soi. A ce titre, la meilleure séquence de ce docu généreux est celle où Kahloucha assure la “promo” de ses films en Italie, organisant des séances pour des travailleurs clandestins : pour ces derniers qui ont tout abandonné derrière eux et ne peuvent retourner en Tunisie sous peine de ne plus revenir, ces films sont des cartes postales, de vrai home-movies. Derrière les images tremblantes, à la qualité déficiente, l’espace d’un rembobinage, le cinéma se fait non pas mirage de la vie, mais petit miracle.
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