Ferrell colle une coupe afro à son personnage de loser white-trash. L’imparable réponse américaine à Disco.
En dépit de son abord de fanfare funk et bariolée, c’est la modestie qu’impose Semi-Pro comme sa qualité première. Modestie à ne pas se vouloir plus que le dernier rejeton de cette comédie américaine qui brille surtout par le génie de ses acteurs et une certaine sensibilité. Modestie de ses années 70 en mutation, qui ne revendiquent rien sinon le goût de l’afro et du froufrou. Modestie de ses personnages qui n’aspirent pas tant à gagner les matchs qu’à tabasser joyeusement l’adversaire et réussir leur after. Modestie enfin à s’inscrire en simple prolongement du sillon que Will Ferrell trace insatiablement dans le paysage du rire américain, entre penchant pour le postiche seventies (Starsky & Hutch, La Légende de Ron Burgundy) et obsession du sport dans ce qu’il a de plus improbable (Talladega Nights, Les Rois du patin), appliqués à son éternel rôle de loser rustaud et white-trash qui, dans un mouvement d’abattement, peut se révéler un garçon délicat, profondément émouvant.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Il campe ici Jackie Moon, propriétaire, promoteur et, accessoirement, joueur des Flint Tropics, une médiocre équipe qui lutte pour se sauver alors que la ligue à laquelle elle appartient, la turbulente et fantasque ABA, s’apprête à disparaître au profit de sa grande sœur plus professionnelle, la NBA. Pour ce faire, Jackie débauche une vieille gloire sur le retour (le beau has-been Woody Harrelson) échangée contre la machine à laver du club, et entreprend de faire renaître l’intérêt du public pour son équipe, par tous les moyens – défis absurdes, hymne éro-disco, ou bien encore promesse d’un combat à mains nues avec un ours à la mi-temps du match.
Et peu importe alors que l’on gagne ou perde pourvu que les attractions périphériques remplissent les travées. Car le public ne se déplace plus pour le basket, mais se rend au stade comme il irait au cirque, avec l’exigence d’un entertainment neuf, protéiforme. Ou comment les attractions jusque-là en marge du spectacle sportif s’y substituent peu à peu…
Il ne s’agit néanmoins pas tant pour Semi-Pro de déplorer l’avènement alors à l’œuvre de la marchandisation du sport que de dépeindre l’âge mythifié avec tendresse d’un amateurisme heureux où convolaient déjà en toute insouciance basket-ball et business. C’est même là que réside l’une des belles idées du film, dans ce choix de peindre les seventies en époque où tout ce qui se trame à la marge se déplace vers le centre ; décennie aussi de l’à-côté, de l’accessoire et du décorum érigés en croyance quasi religieuse.
La scène inaugurale est à cet égard exemplaire : sous les acclamations d’un public venu reluquer les pom-pom girls, l’équipe des Tropics fait son entrée sur le parquet, présentée à la foule par deux speakers qui de chaque joueur commentent coucheries, scandales familiaux et sorties en boîte, sans avoir un mot pour le sport. Et de fait, du match on ne verra presque rien. Que reste-t-il à filmer des années 70, décennie épuisée de l’éternel désenchantement d’Hollywood ? Les paillettes, répond Semi-Pro.
{"type":"Banniere-Basse"}