L’Iliade dans un lycée américain : un teen-movie rugueux et rageur où s’insère subtilement une belle fable sociale.
Never back down est un teen-movie à l’heure de YouTube, doublé d’un film de boxe, et triplé d’une tragédie grecque à happy end. Un grand film classique, en somme, dans une gangue de série B sans prétention. Never back down : ne jamais reculer, ne jamais s’arrêter, aller vite, un plan, une idée, comme dans un film de Raoul Walsh (Gentleman Jim, par exemple).
Jake (Sean Faris), un adolescent violent et instable depuis la mort de son père, vient s’installer en Floride, où sa mère a trouvé un emploi de femme de ménage. Ne connaissant personne au lycée, l’adolescent est vite rattrapé par sa réputation : une vidéo le montrant en train de rosser un joueur de football circule sur tous les téléphones portables, lui valant rapidement l’admiration des mâles et les yeux doux des filles. Jusqu’à ce qu’un petit coq à la fierté turgescente (Ryan McCarthy, réincarnation express de Richard Widmark) ne vienne le provoquer, l’entraînant dans une spirale de violence alimentée par l’excitation d’être filmé par ses camarades.
YouTube est ainsi intégré à la fiction par son utilisation la plus prosaïque (loin des propositions théoriques de Cloverfield ou de Redacted) : filmer la bagarre, faire les réputations ou les défaire – une arène moderne. La tragédie fait insidieusement irruption dans le récit par le thème de l’atavisme et de la reconduction irrémédiable de la violence. Les femmes, mères et girlfriends éplorées, parvenant à exister bien au-delà de leur archétype de mère castratrice et de bimbo blonde à piscine, tentent d’arrêter la logique guerrière des hommes. En vain. Les pères, eux, sont absents, morts ou férocement arrogants. Les fils, enfin, se prennent pour Achille devant livrer l’ultime combat (métaphore très belle mais un peu appuyée), se jaugeant et bandant leurs muscles, cherchant pathétiquement à gagner l’admiration de leurs pairs et de leurs pères.
Never back down est un film âpre, rugueux, où les personnages doivent se battre sans cesse pour obtenir ce qu’ils veulent, sans toutefois que le réalisateur ne se complaise dans une morale “struggle for life” un peu attendue, avec insistance psychologique afférente (on imagine comment Ken Loach aurait traité le même sujet). Jeff Wadlow (parfait inconnu) pratique un art de la litote salvateur qui fait, on le sait, la grande force des bonnes séries B. Un dialogue de la mère sur des dents cassées et une mutuelle qu’elle n’a pas encore payé suffit à dire tout son courage, toute sa difficulté à élever ses enfants dignement, à tenir son foyer (aux couleurs subtilement étalonnées un ton en dessous du reste). A peine dit, et c’est déjà la scène suivante, un nouveau combat. La vitesse, obsession de ce beau film rageur, que seule une fin conventionnelle vient un peu abîmer.