Suite décousue de tableaux vivants tournés dans les bas-fonds de Séoul. Arty et cérébral.
On s’attend à tout de la part du cinéma sud-coréen, en particulier dans des registres prosaïques et sentimentaux (que par exemple Hong Sangsoo conjugue avec brio). La plupart du temps très romanesque (même quand il est politique), il se prête rarement à des expériences cérébrales et décousues. Le Dernier Repas est la parfaite exception qui confirme la règle. “Il n’y a pas grand-chose dans le cinéma contemporain qui puisse se comparer avec Le Dernier Repas, fresque magnifique présentant des oubliés, des bannis, vivant à la périphérie de Séoul”, pouvait-on lire dans le journal Variety. Pourtant, on pense tout de suite aux cruels plans-tableaux du Suédois Roy Andersson, mis en scène avec une fastidieuse méticulosité. Gyeong Tae-Roh est la version arty d’Andersson. Ses visions, toujours disjointes, peu narratives, peu dialoguées, mettent en scène des êtres déphasés dans des situations grotesques. Il faut beaucoup de perspicacité pour deviner que tous ces personnages que l’on voit errer, qui sont tombés dans une forme de déchéance morale ou/et physique (gigolo sidaïque, ado prostituée, vieille dame embaumeuse, veuve irascible) appartiennent à une même (ou à deux mêmes) famille(s). Mais ce qui semble être le vrai but de cette farce en creux, outre de composer de beaux tableaux plastiques sur la décrépitude du monde industriel, est une certaine pose théâtrale – comme la scène où la vieille dame tempête parce qu’elle veut divorcer de son mari défunt ! Les situations sont toujours forcées.
Certes tout n’est pas à jeter dans cette geste maniérée. D’une part, il y a le contexte décrit, lumpen-prolétariat à la Pedro Costa, jamais vu dans le cinéma asiatique. D’autre part, il y a quelques belles épiphanies, comme ces étranges scènes où des éphèbes affublés de kimonos dansent avec grâce et étrangeté. S’il ne se complaisait pas dans son absurdisme lourdingue, le cinéaste pourrait peut-être devenir intéressant. Pour l’instant, il stagne dans l’imagerie, fût-elle trash.
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