Copie complète et restaurée du classique du maître japonais, possible modèle secret du film moderne de superhéros.
Un groupe de guerriers contrastés mais complémentaires, réunis par le hasard pour défendre la veuve et l’orphelin : leur chef stratège et charismatique,un archer, un moustachu qui amusela galerie… Ce ne sont pas les avengers mais bien les éternels “7 samouraïs”.C’est la force du chef-d’œuvre de Kurosawa de résonner encore soixante plus tard
dès que l’on veut assembler des héro(ïne)s en bande – Desperate Housewives ou Expendables, même combat.
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La pérennité du cinéaste, son exportation, assurés dès son vivant, c’était l’art de l’hybridation. Pas seulement entre personnages mais dans les ponts jetés entre le Japon et l’Occident, qu’il adapte Shakespeare (Le Château
de l’araignée, Ran) ou le film noir US (Chien enragé, Les salauds dorment en paix). Dans Les 7 Samouraïs, Kurosawa veut faire son John Ford, qu’il admire tant. Un western au milieu des paysans nippons et de ronins (samouraïs sans maître, donc libres mais déconsidérés) du XVIe siècle.
Suspect habituel dans les listes des best movies ever, le film n’a rien perdu de sa superbe. Kurosawa ne néglige jamais la construction, ce qui relie les scènes comme les personnages. Et le rythme. Comment expliquer sinon que ces trois heures et plus passent d’une traite, même quand il faut se préparer et attendre les bandits (soit l’essentiel du film) ?
Dans un va-et-vient harmonieux, constant, Les 7 Samouraïs module l’humour et la gravité, le souffle et l’intime, l’attente et l’action. Les morceaux de bravoure ont la grandeur épique d’un film de guerre jamais dupe (la bataille finale dans la pluie et la boue), la puissance intérieure du théâtre nô lorsqu’il s’agit de faire ruminer les samouraïs en intérieur ou la nuit, éclairés à la flamme. Et d’un détail comme une tonsure, Kurosawa extrait le maximum : Kanbei, le samouraï en chef, se rase la tête (déshonneur) pour sauver un enfant (altruisme), et l’on peut pratiquement voir ses cheveux repousser le long du film (mesure du temps qui passe).
Mais dans la jonction des contraires, Kurosawa reste réaliste. Infusé de marxisme (sa veine Eisenstein, qui ne lui sert pas qu’à penser les scènes de foule), le cinéaste insiste sur l’opposition de classes dans son Japon féodal. Elle lui permet de déconstruire l’héroïsme du samouraï, sa solitude de cow-boy fordien, à travers les yeux des paysans, pour qui ils sont des queutards n’existant que dans la violence. Elle offre un effet mélo – viales amours contrariées entre un samouraï jeune premier, fils de nantis, et une fille de paysans que son père grime en homme. Enfin, elle crée un monstre grotesque, moitié samouraï, moitié fils de paysans.
Toshirô Mifune prête admirablement ses grimaces et postures d’homme-enfant tragique, qu’on pourrait croire né dans la jungle, à ce “mutant”, pour reprendre le terme de Catherine Cadou, ancienne assistante et traductrice de Kurosawa. Cet été au cinéma, un autre mutant appelé Wolverine s’apprête à visiter le Japon. En 2013, Les 7 Samouraïs continue donc de boucler encore et encore la boucle.
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